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hypothèses pour combler une lacune dans notre savoir, vieille comme le monde, reculant toujours, mais renaissant sans cesse, car aussitôt que l’observation reconnaît la fécondation sexuelle chez des espèces qu’on en croyait privées, elle découvre en même temps d’autres créatures plus petites avec lesquelles il faut recommencer. Quand les adversaires ont épuisé leurs argumens, la question sommeille, mais c’est toujours pour se réveiller avec passion lorsque de nouveaux faits raniment l’antique querelle. Nous assistons depuis 1860 à l’une de ces recrudescences dont je vais faire ici l’histoire, sans parler de celles qui l’ont précédée. Mon rôle, va se réduire à classer et à présenter les pièces du procès aux lecteurs de la Revue, qui, bien informés, jugeront suivant leurs impressions.


I

Tous les êtres supérieurs, sans exception, reçoivent la vie de parens auxquels ils sont semblables, et ils n’ont aucun autre mode de génération. Les infusoires les plus petits ou les végétaux les plus rudimentaires sont les seuls dont l’origine paraisse quelquefois mystérieuse ; nous n’aurons donc à nous occuper que de ceux-ci, qui sont heureusement peu nombreux, et pour l’intelligence de ce qui va suivre il nous suffira d’en donner une courte énumération. Nous rencontrons d’abord la famille des infusoires ciliés, qui vivent dans les eaux stagnantes. Ils doivent ce nom à des poils mobiles alignés comme des cils sur la surface de leur corps, qu’ils agitent avec rapidité, et qui, semblables à des rames nombreuses, impriment à l’animal, avec une remarquable aisance et une grande variété d’allures, tous les mouvemens qu’il a besoin d’exécuter. Ce sont des animaux d’assez grande taille, pouvant atteindre un dixième de millimètre. On connaît avec assez de précision les détails de leur organisation ; on sait qu’ils ont plusieurs estomacs, un foie et un volumineux organe de reproduction. C’est parmi eux que nous trouverons les kolpodes, infusoires carnassiers, voraces, très vifs et très communs, dont la forme caractéristique rappelle celle du haricot, et sur lesquels nous reviendrons.

Les monades, que nous rencontrerons plus souvent encore, sont beaucoup plus petites, Il en faudrait deux mille, rangées à la file, pour couvrir un millimètre. Le plus souvent elles apparaissent comme des points agiles. Elles sont mal connues, parce que leur petitesse dissimule les organismes intérieurs ; les plus grosses seules ont pu être observées. Elles ressemblent à un gland ovoïde, fendu à la pointe, — c’est la bouche, — et armé d’un fléau ou trompe, organe à double nom et à double fin, servant à saisir la nourriture et à frapper l’eau par un rapide mouvement de vibration qui fait