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retrouve avec une fécondité au moins égale chez les mucédinées microscopiques que nous allons observer. Qu’on abandonne, par exemple, un morceau de pain à l’air humide, bientôt un mycélium qu’on pourra semer va se cacher et ramper dans le tissu du pain, puis il poussera des tiges extérieures. À l’œil nu et dans le langage vulgaire, c’est la moisissure du pain ; au microscope, ce sont des troncs d’arbre épanouis en rameaux, et sur ces rameaux des chapelets de spores qui se détachent et s’envolent à la maturité. Dans le langage savant, c’est le penicillium glaucum, champignon tout aussi connu et classé avec autant de précision que l’agaric comestible, champignon qu’on sème dans des couches de fromage de Roquefort où il se montre en forêts persillées, caractère et mérite spécial de ce comestible estimé. Le blanc, qui envahit quelquefois les feuilles des arbres fruitiers, l’oïdium, dont on connaît les ravages, sont des champignons de la même famille et cousins de ceux qui ont causé la maladie des pommes de terre. Extrêmement faciles à semer, se multipliant à l’infini, résistant à tout remède, ils s’attaquent à tous les êtres : au blé sous le nom de rouille, au seigle qu’ils ergotent, aux larves enfouies, aux guêpes vivantes, aux vers à soie, etc. Chacun d’eux choisit la station qui lui convient le mieux, parce qu’il y trouve sa nourriture spéciale, et le plus souvent reçoit un nom qui en dérive.

À un degré plus bas encore dans le règne végétal, nous allons rencontrer d’autres êtres plus mystérieux à cause de la mission qui leur est réservée, et que l’on a nommés fermens. Le plus étudié et le mieux connu de ces fermens est la levure. À l’œil nu, c’est une bouillie jaunâtre, sorte de lie qui se forme pendant la fabrication de la bière. Quand avec la pointe d’une aiguille on en dépose une petite parcelle dans une liqueur contenant beaucoup de sucre, un peu de matières azotées et phosphatées, elle se multiplie comme ferait une plante dans un terrain fertile. C’est une plante en effet, encore un champignon,[1], qui dans le microscope se présente en amas de globules arrondis sans détails intérieurs. Quand on observe l’un d’eux, on voit bientôt naître à la surface un bourgeon qui grandit jusqu’à devenir semblable au globule primitif, jusqu’à se reproduire comme lui. C’est ainsi que commence et se continue de proche en proche, par gemmation, la multiplication de cette lie vivante. Or pendant tout le temps de son existence cette plante accomplit un des plus merveilleux phénomènes qu’il ait été donné aux chimistes d’observer : elle détruit le sucre en séparant les deux substances dont il est composé, l’acide carbonique, qui s’échappe

  1. Torula cerevisiœ.