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en bouillonnant, et l’alcool, qui reste dans la liqueur. C’est comme cela que se fait la bière, par une action chimique spéciale exclusivement due à l’exercice de la vie d’un être microscopique, et qui est pour lui une fonction aussi nécessaire que l’est pour nous la respiration : enlevez-lui le sucre, et il périt, comme nous périssons nous-même aussitôt qu’on nous prive d’air respirable. Ce ferment n’est pas le seul que l’on connaisse ; tous les jours la chimie découvre de nouvelles espèces analogues, et reconnaît qu’on doit à chacune d’elles des actions chimiques spéciales qui transforment par fermentation une masse énorme de substances naturelles. Ces êtres jouent leur rôle dans la vie du globe, parce que le nombre des individus est immense, et qu’ils se multiplient au-delà de toute conception aussitôt que se rencontrent les conditions où ils peuvent accomplir la mission particulière à laquelle ils sont prédestinés.

Le lecteur sait maintenant tout ce qu’il faut savoir de ces êtres microscopiques dont la nature a été si prodigue et dont l’étude s’impose à nous à cause des services qu’ils nous rendent et des maux qu’ils nous apportent. La question de leur génération est loin d’être une question de pure curiosité, et la solution nous importe beaucoup, puisque nous devons apprendre ou à les multiplier ou à les détruire. Il faut d’abord décrire les principales circonstances où ces êtres microscopiques apparaissent.

On fait macérer dans de l’eau pure les feuilles ou les tiges d’une plante quelconque, une poignée de foin par exemple, ou bien les organes d’un animal, quel qu’il soit. On peut employer aussi de l’urine fraîche, du lait, du sang, en général une solution dans l’eau de quelque matière tirée d’un être vivant. Après l’avoir soigneusement filtrée, on l’introduit dans un vase que l’on peut couvrir et même boucher, mais en ayant soin de laisser de l’air en contact avec la surface liquide. Cela fait, on abandonne l’expérience à elle-même et l’on attend. Au bout de deux jours, quand la température est suffisante, la surface est recouverte d’un léger voile qui s’épaissit avec le temps et se transforme en une fausse membrane. Cette membrane est peuplée de bactéries, de vibrions, de spirilles ; elle fourmille de monades et de kolpodes ; elle sert de sol à tout un monde extérieur de végétaux mucédinés. Toutes les solutions ne sont point aptes à produire la totalité de ces êtres ; ils semblent choisir l’habitation qui leur convient. La circonstance la plus remarquable est qu’on voit apparaître dans les liqueurs les fermens qui peuvent les transformer. C’est ainsi que la levure apparaît toutes les fois qu’il y a du sucre et des matières azotées et phosphatées, que le mycoderme du vinaigre s’établit sur le vin pour le transformer en acide acétique, et qu’en général chaque espèce vient se présenter à point