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dont je viens de parler ? n’est-ce pas lui qui a semé la vie ? Et il suffit encore que cette hypothèse soit possible pour que votre dernière expérience ne soit pas une démonstration. Nous n’admettrons vos conclusions que si vous nous montrez les mêmes résultats en renonçant à l’emploi du feu, des acides et de toutes les substances qui peuvent altérer les propriétés physiologiques de l’air.

À ces objections, qui ne manquent ni de force ni d’habileté, les panspermistes répondent par de nouvelles expériences. Revenons à celles de MM. Lemaire et Gratiolet. On se rappelle qu’elles consistent à puiser l’air à l’endroit qu’on veut analyser, à recueillir les germes qu’il contient dans un peu d’eau, et à examiner ce liquide au microscope. Elles ont été commencées en Sologne, dans une localité très malsaine, au-dessus d’un étang, près d’un village où règnent les fièvres paludéennes, et à qui sa mauvaise réputation a mérité le surnom caractéristique de tremble-vif. L’eau qu’on recueillit avait l’odeur de marais ; elle ne contenait aucun être vivant, mais on y voyait des myriades de spores sphériques, arrondis ou fusiformes, des cellules pâles et des corps demi-transparens ovoïdes. Au bout de quinze heures, un grand nombre de ces germes étant éclos, on trouvait dans une seule goutte plus de deux cents bactéries ; après quarante-huit heures, les vibrions et les spirilles fourmillaient, et au troisième jour les monades, dont l’incubation paraît plus longue, se remuaient dans tous les sens. Pendant que cette population se développait peu à peu, les germes d’où elle sortait disparaissaient nécessairement. Il ne peut plus être question ici de génération spontanée, car on opère avec de l’eau pure, qui ne produit jamais d’infusoires. Comme elle ne peut pas les nourrir, ils en sont réduits à se dévorer mutuellement. Les bactéries sont sacrifiées tout d’abord, les vibrions et les spirilles disparaissent à leur tour, après quoi les monades se mangent entre elles. Au bout de quinze jours, les plus grosses survivent seules, comme les plus grands brochets dans un étang. Cela fait, l’eau est redevenue pure et peut se garder indéfiniment sans se repeupler. C’est donc bien à l’air qu’elle avait emprunté ses germes. Supposez qu’on y eût ajouté un peu de matière organique, les infusoires y auraient trouvé l’abondance, se seraient multipliés tant qu’ils auraient trouvé à manger, et auraient fraternellement vécu sans se nuire. Après cette étude dans une localité malsaine, on se transporta au centre d’une contrée célèbre par sa salubrité, à Romainville, à 90 mètres au-dessus de la Seine, au milieu des champs cultivés : on y trouva les mêmes germes, on y vit naître les mêmes infusoires ; mais, étant moins nombreux, ils avaient disparu en trois jours. Entre ces deux extrêmes se classent les diverses localités d’après l’abondance de leurs germes aériens ; le Jardin des Plantes est intermédiaire entre