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individuel dont on parle, et même, si la mesure générale de l’émancipation ne précède pas l’enrôlement des noirs, comment pourra-t-on faire croire aux enrôlés qu’ils sont réellement affranchis ? On a contesté jusqu’à présent la prépondérance du nord, on a nié les victoires de l’Union. Y a-t-il une preuve plus assurée de cette prépondérance que l’expédient désespéré auquel les hommes du sud veulent recourir : quelle plus belle victoire pouvait obtenir l’Union que de contraindre ses ennemis à se faire eux-mêmes les artisans de l’émancipation ! A. côté de ce fait, les récens événemens de la guerre américaine ne présentent plus qu’un intérêt médiocre. Il semble que l’élection présidentielle ne sera précédée d’aucun fait de guerre important. Le gouvernement américain prépare une grande expédition maritime et militaire contre un port de la Caroline du nord, Wilmington, refuge des corsaires confédérés. Une reconnaissance générale des armées du Potomac et du James, dirigée par le général Grant contre les abords de Richmond, n’a point été poussée à fond : elle n’avait probablement d’autre objet que de contraindre Lee à garder avec lui toutes ses troupes et de l’empêcher d’envoyer des détachemens au sud et dans l’ouest. L’élection présidentielle, dont nous ne tarderons point à connaître le résultat décisif, tient en suspens les opérations militaires.

Il y a peu de chose à dire de notre politique intérieure. Nos chambres ne seront pas, dit-on, convoquées avant le mois de février. On emploiera le temps qui nous sépare de la session à deviser des modestes progrès parlementaires auxquels tendent des aspirations politiques qui sont aussi très modérées. On se demandera par exemple s’il est probable que les ministres soient bientôt appelés à prendre part aux discussions des chambres. Dans cet ordre de supputations et de conjectures, la chronique est si indigente que des correspondans de journaux étrangers s’amusent à annoncer la conversion de M. de Persigny au libéralisme : M. de Persigny deviendrait partisan de la coopération des ministres aux travaux législatifs. Au libéralisme futur de M. de Persigny, nous préférons certaines mesures sages adoptées sans bruit par M. Boudet. La direction de la presse au ministère de l’intérieur est supprimée. C’est un bon symptôme pour les journaux : l’intermédiaire d’un directeur ne peut leur être favorable ; il vaut mieux pour leur dignité et leur liberté qu’ils soient en contact direct avec la responsabilité ministérielle. E. FORCADE.



la crise des partis et le nouveau ministère en espagne.

L’Espagne est aujourd’hui en travail d’une idée qui la dirige, d’un parti qui se recompose sous un drapeau de libéralisme sensé, d’un pourvoir qui, par son action, par ses exemples, par son impulsion, remette un peu d’ordre dans une vie publique passablement incohérente depuis quelque temps. Le ministère du général Narvaez sera-t-il décidément ce pouvoir s’appuyant sur un parti éclairé par l’expérience, et marchant résolument à la réalisation d’un vrai régime de liberté constitutionnelle ? Il se com-