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des rites sacrés, ni la philosophie des dogmes religieux. On est donc forcé d’en venir à l’étude des cultes et des dogmes indiens, et quand on remonte à leur origine, on s’aperçoit que là est la source la plus reculée de ce qui depuis lors a été cru, enseigné ou seulement conçu dans le monde occidental. Ce sont les études indiennes qui ont engendré dans ces dernières années la science des religions, et c’est sur elles que longtemps encore elle continuera d’être fondée.

La science nouvelle qui nous occupe n’a rien de commun avec la doctrine éclectique de la religion naturelle ; elle n’est pas une doctrine, elle domine toutes les doctrines. Les procédés à priori n’entrent pour rien dans sa méthode ; elle est une science de faits. Les lois qu’elle expose, c’est sur l’observation et l’analyse qu’elle les fonde ; c’est par une interprétation des faits, quelquefois hardie, mais toujours prudente, qu’elle les découvre. Ces faits sont de nature diverse. Si l’on envisage les religions modernes, qui procèdent de conceptions métaphysiques souvent très élevées, c’est au plus profond de l’intelligence humaine que plusieurs de ces faits se sont accomplis et s’accomplissent encore : jamais par exemple un homme qui n’est pas métaphysicien ne pourra faire la science des dogmes chrétiens. S’il s’agit au contraire des anciennes religions de notre race, comme elles ont réellement le caractère naturaliste qu’on a depuis longtemps reconnu en elles, les faits du monde physique occuperont dans la science une place considérable. De plus les faits appartiennent souvent à l’histoire religieuse : alors ils ne sont pas permanens ; ils varient comme les croyances, comme les connaissances et comme les institutions humaines, et cela dans des proportions diverses. Il y a par exemple des rites fondamentaux, tels que la prière, qui changent à peine à travers les siècles. Il en est d’autres qui, nés d’un besoin local ou d’une tendance particulière, disparaissent à un moment donné de l’histoire, ou se retrouvent plus tard, modifiés et transformés. D’autres rites, après avoir fait partie essentielle d’un culte, s’en sont peu à peu séparés, et ont continué de vivre isolément dans les traditions et les usages populaires : on sait quel parti les frères Grimm ont su tirer des traditions recueillies par eux dans une partie de l’Allemagne et la lumière que la connaissance de l’Inde a déjà répandue sur elles. De tels faits, très nombreux dans toutes les contrées de la terre, sont, pour la science des religions, pareils à ces blocs de pierre que les géologues nomment erratiques, et qui, par leur situation au milieu de terrains d’une autre nature, attestent un ancien état de choses dont ils sont quelquefois les uniques témoins. Aucun des faits qui se rattachent à l’idée religieuse n’est négligé par la science ; elle les apprécie, mais elle les constate et elle en tient compte ; ceux