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1862 a dissipé ces incertitudes. Par le nombre, par la variété et par l’éclat des produits, elle a été de beaucoup supérieure aux deux expositions qui l’ont précédée ; l’empressement des spectateurs, loin de se ralentir, a été plus curieux et plus vif, et l’on doit être bien convaincu que les expositions universelles peuvent impunément se multiplier ; elles sont devenues une nécessité, une institution de notre temps.

Si, au point de vue pratique et purement industriel, ces expositions, en propageant les meilleurs modes de fabrication et en répandant la connaissance des produits nouveaux, sont appelées à rendre de très grands services, elles nous paraissent surtout intéressantes et utiles à raison de l’influence qu’elles doivent exercer sur la législation qui régit les conditions du travail. En même temps qu’elles excitent l’attention du manufacturier, elles provoquent les études de l’économiste, qui n’en est plus réduit à dogmatiser d’après des principes abstraits, et qui peut désormais rechercher sûrement et saisir sur le vif, non-seulement les caractères de l’industrie chez les différentes nations, mais encore les causes de la supériorité ou de l’infériorité que révèle la comparaison des produits. Les gouvernemens l’ont bien compris : après avoir pourvu aux mesures nécessaires pour faciliter à leurs nationaux l’accès du grand concours qui s’ouvrait à Londres, et pour organiser dans les conditions les plus libérales la partie matérielle de l’exposition, ils ont apporté le plus grand soin au choix des commissaires destinés à former le jury international, de manière à obtenir une étude éclairée et compétente des procédés industriels et des régimes économiques.

En 1862, cette étude offrait pour la France un intérêt tout particulier. Par le traité de commerce conclu avec l’Angleterre, nous venions de faire un pas décisif vers la liberté des échanges. Cet événement considérable était l’objet des appréciations les plus contradictoires : les uns y voyaient la ruine, les autres le développement de notre industrie. Déjà le débat s’était engagé dans l’enquête à laquelle avait procédé le conseil supérieur de commerce, chargé de fixer le taux des droits de douanes qui devaient remplacer les prohibitions ou les taxes prohibitives. L’exposition pouvait l’éclairer de la plus vive lumière en mettant les produits français en présence des produits étrangers, et notamment des produits anglais, si redoutés par nos manufacturiers. Il s’agissait donc d’une épreuve presque solennelle où l’industrie devait fournir la mesure des efforts qu’elle avait accomplis depuis l’exposition de 1855, et de ceux qu’elle devait accomplir encore sous l’aiguillon d’une concurrence devenue plus active et plus directe. Le traité de commerce allait