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par tant d’ennemis, Galilée avait pour refuge la protection du saint-père, dont la molle condescendance faisait murmurer tous les cardinaux. Se fiant par malheur sans réserve à son amitié, il prenait peu de soin de la ménager. Sa piquante raillerie suivait ses adversaires sur toutes les voies où ils s’égaraient, et, passant en revue toutes leurs mauvaises raisons sans en dédaigner aucune, il n’avait eu garde d’oublier celles que le pape lui avait opposées lors de son voyage à Rome. Les traits dirigés avec tant d’art contre le niais Simplicio tombaient donc en partie sur l’amour-propre chatouilleux du saint-père. Urbain VIII se crut méprisé ; sa colère, irritée contre tant d’irrévérence, lui fit oublier qu’inaccessible aux injures, il devait les remettre et les pardonner. Personne ne le lui rappela, et, lâchant la bride à la fureur des ennemis de Galilée, il le poussa vers l’abîme.


III.

Galilée fut mandé à Rome ; en vain le grand-duc fit-il représenter au saint-père que le livre dont on venait blâmer et inquiéter tout à coup l’auteur était publié depuis deux ans avec l’approbation expresse des censeurs romains, qui avaient corrigé le texte en divers endroits et exigé la suppression de plusieurs passages. À Florence en outre, un nouvel examen ecclésiastique avait précédé l’impression, qui offrait ainsi toute garantie. Galilée semblait donc devoir être hors d’atteinte ; il proposait d’ailleurs de rendre compte de sa conduite et de ses écrits devant un envoyé du saint-siège, soumettant avec humilité au jugement de ses supérieurs tout ce qu’il avait dit, écrit ou enseigné, et renonçant à toute erreur dont il se serait rendu coupable, comme à toute opinion reconnue dangereuse ou suspecte. Les médecins alléguaient enfin sa santé languissante et presque désespérée. À l’âge de soixante-dix ans, dans son état de souffrance et de faiblesse, il ne pouvait entreprendre sans danger le voyage de Rome. Urbain VIII fut inexorable ; Galilée dut partir au cœur de l’hiver. Une maladie contagieuse qui régnait alors en Toscane l’obligea à une quarantaine de vingt jours : il arriva le 19 février à Rome. Affectueusement reçu chez l’ambassadeur de Toscane, il y resta jusqu’au mois d’avril. Entouré de soins assidus, il était là parfaitement libre ; mais il jugeait prudent de ne pas sortir, et plusieurs cardinaux dont il recevait les visites officieuses le confirmèrent dans cette idée. Il avait hâte d’en finir, et pressait ses amis de faire terminer son affaire : il reçut l’ordre de se rendre dans le palais de l’inquisition, où il resta dix-neuf jours, fort bien traité d’ailleurs, logé dans le propre appartement du fiscal, libre d’aller et de venir dans ce vaste palais, et faisant bonne chère, grâce