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qui les concernent, le moment est venu pour le saint-père de parler, ou pour la France de l’interroger avec une respectueuse sollicitude.

Les suites de la question danoise viennent de donner lieu à une nouvelle et petite querelle d’Allemands. Ce ne sera pas la dernière. Les états moyens ont été mis en demeure par la Prusse de cesser l’occupation fédérale du Holstein. Cet incident est un nouveau succès pour M. de Bismark, un nouveau déboire pour M. de Beust. Les troupes saxonnes et hanovriennes sont éconduites du Holstein. Le principe au nom duquel l’évacuation a été demandée ne peut être contesté par la diète, et cependant il a de quoi inquiéter les meneurs de la diète de l’école de M. de Beust. En ce moment, le Holstein et le Slesvig appartiennent à la Prusse et à l’Autriche, à qui la cession conjointe en a été faite par le roi de Danemark. Le moyen que la diète germanique ose continuer l’occupation fédérale d’une province qui appartient provisoirement à la Prusse et à l’Autriche ! On n’y saurait songer, et pourtant quelle force ne donne point pour l’avenir à l’ambition prussienne cette cession directe du roi de Danemark, qu’elle invoque comme son seul titre ? Les duchés resteront aux mains de la Prusse tant que la diète n’aura point prononcé sur les titres des princes qui s’en proclament les souverains légitimes, et sait-on combien durera ce procès ?

Nous voudrions finir comme nous avons commencé en parlant de notre politique intérieure ; malheureusement la matière est peu abondante. Il a été soulevé récemment dans les régions élevées du pouvoir une question qui, pour n’être point arrivée au grand public, n’est pas cependant dépourvue d’intérêt. Nous avons, comme on sait, en France un conseil privé et un conseil des ministres. Quelques ministres sont membres du conseil privé ; mais tous les membres du conseil privé ne sont pas ministres. Il paraît que l’oisiveté pèse à ceux des membres du conseil privé qui n’ont point un portefeuille : ils se regardent comme des excellences in partibus infidelium ; ils voudraient être plus activement mêlés aux affaires, ils tiendraient à prendre part aux délibérations du conseil des ministres. Les ministres à portefeuille ont peu d’inclination à recevoir dans leur cénacle des collègues qui auraient un prorata d’influence sur la conduite du gouvernement sans partager le travail ministériel. Ainsi, tandis que M. de Persigny causait à bâtons rompus avec M. de Girardin sur la législation de la presse, une question bien plus importante pour lui s’agitait dans l’empyrée. Peut-être ceux qui étaient au courant des débuts de cet incident ne savent-ils point encore que la question est tranchée pour le moment, et que les membres du conseil privé qui n’ont point de portefeuille ne franchiront pas jusqu’à nouvel ordre le seuil du conseil des ministres. Nous le leur apprenons généreusement, afin de remplir, nous aussi, notre métier de nouvellistes, et de nous donner de l’importance.


E. FORCADE.