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ardens et d’anciens démocrates ; derrière cet état-major, il n’y avait point d’armée. M. Fremont conservait encore un reste d’influence parmi les populations allemandes de l’ouest ; mais la popularité s’était peu à peu retirée de lui, et il essayait en vain de la ressaisir : elle n’avait pu se fixer longtemps sur cette figure sympathique, mais inquiète et toujours changeante. Quand il se vit abandonné, M. Fremont retira sa candidature, et la plupart de ceux qui s’étaient un moment groupés autour de lui se hâtèrent de se ranger parmi les partisans de M. Lincoln.

Les démocrates n’avaient point, comme les républicains, réuni leur convention au printemps ; ils attendaient les événemens, et se tenaient prêts à profiter de toutes les fautes, de toutes les défaites du gouvernement. Enfin ils crurent le moment venu, et ils choisirent en quelque sorte l’heure la plus sombre de l’année, lorsque le général Grant, parti du Potomac avec une magnifique armée, traversa toute la Virginie, livrant presque chaque jour une sanglante bataille, et vit enfin, malgré son indomptable énergie, ses efforts expirer devant les fortifications de Richmond. Le héros de Vicksburg avait rencontré en Virginie des ennemis plus disciplinés, plus redoutables que ceux qu’il avait eu à combattre dans l’ouest. Il avait cru pouvoir accabler ses adversaires par la masse de ses bataillons et se frayer dans le sang un droit chemin sur la capitale qui depuis si longtemps défiait tous les efforts des États-Unis ; mais les batailles avaient seulement décimé son armée, et il avait été contraint de se replier sur les bords du James-River et de commencer devant Petersburg et Richmond la lente guerre des sièges. Le président avait fait un nouvel appel de 500,0,00 hommes, et les rangs devaient être remplis par la conscription, s’ils ne pouvaient l’être par les enrôlemens volontaires. En Géorgie, la position du général Sherman inspirait les plus vives inquiétudes : sans autres communications qu’une ligne de chemin de fer de deux cents lieues de longueur, Sherman s’était aventuré jusque dans le centre de la Géorgie ; il avait engagé une partie où il pouvait tout gagner, mais où il pouvait aussi tout perdre. Les journaux du sud se réjouissaient en le voyant approcher d’Atlanta ; ils prédisaient que son armée serait tout entière faite prisonnière, et ne pourrait plus jamais reprendre la route de Chattanoga. Le doute, l’inquiétude, la défiance, avaient jeté leurs ombres sinistres sur la nation ; la lassitude avait un moment accablé les plus fermes courages.

Pendant ce temps, les démocrates étaient à l’œuvre, et les circonstances conspiraient surtout à faciliter les efforts de ceux qu’on nomme les peace-democrats ou démocrates de la paix par opposition aux war-democrats ou démocrates de la guerre, prêts à maintenir