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en face de la côte du Canada occidental, devait aussi être surpris, saccagé et livré aux flammes. Quelques conspirateurs furent découverts et arrêtés. Chicago et la frontière canadienne furent soumis à une active surveillance. À New-York, l’inquiétude n’était pas moins vive : les démocrates, assurés de la connivence de la municipalité et du gouverneur de l’état, M. Seymour, avaient déclaré hautement qu’ils ne permettraient pas qu’on votât pour M. Lincoln. Ils s’étaient organisés en milices, et se tenaient prêts à toutes les violences. Quelques jours avant l’élection, le gouvernement envoya le général Butler à New-York, et lui confia le commandement des troupes fédérales cantonnées dans les environs. Le nom seul de Butler jeta la terreur dans l’armée démocratique. Il annonça dans un manifeste que les opérations électorales auraient lieu comme de coutume et sans le concours de l’autorité militaire, mais que toute tentative de désordre serait immédiatement réprimée par les troupes placées sous son commandement. Dans les meetings démocratiques qui précédèrent son arrivée, des énergumènes avaient déclaré publiquement qu’ils attenteraient à sa vie ; mais on put le voir bientôt traverser lentement New-York à cheval et en grand uniforme, suivi de tout son état-major. La journée de l’élection se passa sans troubles, et les démocrates de New-York n’eurent que la satisfaction de donner une majorité de 37,000 voix à leur candidat.

Dès le lendemain, et bien que les chiffres définitifs ne fussent pas encore connus, on sut d’un bout à l’autre des États-Unis que M. Lincoln était réélu. De chaque village, de chaque ville les chiffres étaient envoyés aux comités des deux partis. Les employés des télégraphes, des postes, des chemins de fer, n’étaient occupés d’autre chose. La victoire des républicains fut bientôt assurée ; elle devint un triomphe éclatant quand aux voix de la Nouvelle-Angleterre et de l’ouest s’ajoutèrent les 26 voix de la Pensylvanie et enfin les 33 voix de l’état de New-York ; il ne restait au parti démocratique que le petit état de New-Jersey et deux états à esclaves, le Delaware et le Kentucky. M. Lincoln avait reçu 213 votes et le général Mac-Clellan 21. Non-seulement les républicains avaient donné à leur candidat une énorme majorité, mais ils avaient réussi à faire entrer assez de députés dans le congrès pour obtenir même cette majorité des deux tiers sans laquelle la constitution ne saurait être amendée. Dans le sénat, aussi bien que dans la chambre des représentans, on peut compter aujourd’hui d’une manière certaine sur les trois quarts des voix. Le pouvoir exécutif et le pouvoir législatif se trouvent donc en parfaite harmonie, et ce dernier, pour la première fois depuis bien des années, se voit armé d’une autorité suffisante pour entreprendre la révision de la constitution nationale