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plans de conduite que le Cours trace aux entrepreneurs d’industrie. À part certaines généralités, de quel poids peuvent-ils être au milieu des changemens profonds qu’ont subis tous les modes de l’activité humaine ? Les exemples attachés aux démonstrations sont dans le même cas. Ils abondent dans le Cours, et il est aisé de voir que cette abondance provient d’un calcul : le professeur voulait reposer l’attention de son public et varier le ton de ses leçons. Ces exemples ne sont pas tous concluans, même ramenés à leur date. Aujourd’hui plusieurs d’entre eux ressemblent à une monnaie dont l’effigie se serait effacée, et qui, sortie de la circulation, n’aurait de sens et de prix que pour les numismates. Il y a donc deux parts à faire dans les matières du Cours, d’un côté la substance, de l’autre l’enveloppe de cette substance, ce qui est didactique et ce qui est descriptif. Aucune science d’observation n’échappe d’ailleurs à cet assujettissement. Toutes ont des lois constantes et des phénomènes variables. Depuis Say, les phénomènes économiques ont pu se multiplier et changer d’aspects, mais il lui reste l’honneur d’avoir fixé dans notre langue des lois de plus en plus vérifiées, et qu’aucune expérience n’a encore démenties.

Ceux qui ont pu l’entendre au Conservatoire se souviennent encore de l’accueil respectueux qu’on lui faisait. Le silence régnait sur les bancs dès qu’il montait dans sa chaire et y déposait ses feuillets. Il n’improvisait pas, ses leçons étaient écrites. Ses amis lui cherchaient parfois querelle là-dessus. Ses entretiens familiers étaient si vifs, si animés, il y montrait tant d’esprit et de verve, qu’on ne comprenait pas sa répugnance à mettre au service de ses auditeurs un don de parole si naturel chez lui. Il s’en défendit constamment. « Ma seconde pensée, disait-il en riant, vaut toujours mieux que la première, et c’est la meilleure des deux que j’entends livrer au public. » Et quand on insistait et que, pour vaincre ses scrupules, on rappelait le goût qu’on avait à l’entendre : « Soit, ajoutait-il, je par le bien, mais je parle comme j’effacerais en écrivant. » Au fond, il y avait dans ces résistances un motif plus sérieux. Une science à fonder n’est pas comme une science faite, où une impropriété dans la forme, une erreur dans le fond, se redressent pour ainsi dire d’elles-mêmes. Ici tout était nouveau, la langue comme la doctrine, et pour n’être pas vulnérable il fallait se montrer aussi rigoureux sur l’une que sur l’autre. Peut-être aussi redoutait-il les pièges et s’en défendait-il en fixant sa pensée ; moins suspect et avec plus de liberté d’esprit, il se fût sans doute abandonné aux hasards de la parole. Doit-on regretter qu’il ne l’ait pas fait ? Il y eût gagné sans doute d’imprimer à ses leçons plus de chaleur et de mouvement, mais il ne les eût pas jetées