Page:Revue des Deux Mondes - 1864 - tome 54.djvu/97

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

la section d’architecture, il enchérit sur le vieux système, il accroît le nombre des épreuves, il rend la « filière » plus étroite, plus longue et plus compliquée.

D’où venait cette métamorphose ? Que s’était-il passé ? Quelle influence avait si promptement transformé les convictions de M. le ministre de la maison de l’empereur ? S’était-il aperçu qu’on le menait un peu trop loin ? que son décret n’était considéré par quelques-uns de ses conseillers que comme un premier pas vers l’absolu radicalisme, vers la liberté sans limites ? qu’il s’était donné, lui, monarchique, des associés républicains, et qu’il avait, pour eux, sans le savoir, tiré les marrons du feu ? Peu importe après tout quelle pensée fut la sienne ; le règlement n’en parut pas moins, à la grande stupeur de ceux qui, prenant au sérieux et le décret et le rapport, comptaient sur la suppression des concours préparatoires, et de cette conquête assurée faisaient déjà la pierre d’attente de la grande réforme qu’ils rêvaient. Ceci n’est point une conjecture ; tout à l’heure on verra que de publiques confidences mettent à jour tout le mystère, et comment dès le 16 janvier, dès ce premier pas rétrograde, avaient dû commencer les étranges discordes qui viennent d’éclater.

Pour nous, dans ce conflit, il semblerait que notre rôle fût d’applaudir à la résurrection, même partielle, de l’ancien mode d’enseignement, et nous aurions vraiment plaisir à prendre ainsi parti pour M. le ministre, à repousser les traits qu’on lui lance de son propre camp ; mais nous jouons de malheur : sans méconnaître, à beaucoup près, l’utilité des luttes préparatoires et la nécessité d’entretenir l’émulation sur les bancs d’une école, nous ne sommes pas convaincu qu’il y ait grand avantage à rendre ces épreuves aussi multipliées et aussi absorbantes qu’elles l’étaient et qu’elles le sont encore à l’École des Beaux-Arts, surtout pour l’architecture. Il y a grande exagération sans doute dans les reproches que le 13 novembre on adressait à l’ancien règlement ; l’exagération nous semble encore plus grande d’avoir, le 14 janvier, rétabli une à une toutes les dispositions qu’on avait condamnées et d’en avoir encore accru le nombre et les exigences. Assurément, quoi qu’on en dise, ce n’est pas perdre son temps que d’apprendre à soutenir avec succès, ces épreuves graduées qui peu à peu façonnent un jeune homme à produire ce petit chef-d’œuvre, cet effort de patience et d’adresse, cette étonnante entreprise graphique qu’on appelle un grand prix de Rome ; mais ce que ce jeune homme apprend ainsi, est-ce bien l’architecture ? Nous sommes loin de dédaigner la sûreté du crayon, l’habileté de la main ; seulement nous tenons en plus sérieuse estime la sûreté du jugement, l’habileté de l’esprit, l’instinct des proportions,