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de faire observer qu’une semblable mesure serait regardée par le gouvernement d’Alexandre II comme une déclaration de guerre à la Russie. Le vice-chancelier terminait ses remarques en exprimant l’espoir que le gouvernement d’Autriche ne s’associerait pas à une politique de cette nature. — Ainsi dûment averti, le comte Rechberg ne repoussait cependant nullement, dans sa réponse, les ouvertures que le cabinet de Saint-James venait de lui faire ; il reconnaissait le fondement légal de la proposition et partageait complètement l’opinion du gouvernement de sa majesté britannique, — que la Russie n’avait pas rempli les conditions auxquelles la Pologne lui avait été remise en 1815 ; mais en même temps M. de Rechberg demandait quel devait être, au jugement du ministre anglais, le résultat pratique de la déclaration projetée, et il invitait le comte Russell à bien peser les conséquences probables ou possibles d’un pareil acte et à en assumer sa part de responsabilité. La France et l’Angleterre pouvaient bien, — argumentait-on à Vienne, et assurément non sans raison, — déclarer le tsar déchu de ses droits sur la Pologne sans la moindre crainte de représailles ; mais tout autre était dans une semblable occurrence la position de l’Autriche comme puissance limitrophe de la Russie et détentrice elle-même d’une partie de la Pologne. Quelle attitude prendrait l’Angleterre, quelles obligations accepterait-elle dans une certaine éventualité qu’il fallait cependant prévoir, — pour le cas notamment où l’Autriche s’attirerait une guerre par suite de l’adhésion qu’elle aurait donnée à la note proposée ? En un mot, avant d’apposer sa signature à un document d’une si grave portée, la cour de Vienne demandait qu’on s’expliquât sur les garanties… Les garanties ! c’est là, depuis la guerre d’Italie, la pensée immuable, le cœterum censeo de l’Autriche à chaque transaction. Elle les demandait en juillet à la France et à l’Angleterre, en août aux princes d’Allemagne réunis à Francfort, en novembre à M. de Bismark ; dans ce mois d’octobre, elle les redemandait encore une fois aux grandes puissances de l’Occident en vue d’une action possible en Pologne, — et ce fut là le moment le plus décisif pour ce malheureux pays. En effet, la France ayant dès l’origine déclaré vouloir accorder au cabinet de Vienne toutes les garanties et toutes les concessions désirables au prix