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pas changé à cet égard. M. de Rechberg se montra bien étonné de l’interprétation que donnait M. de Bismark aux paroles échangées pendant l’entrevue de Varsovie : certaines éventualités y avaient été discutées en effet, mais aucun engagement n’y avait été pris, et à plus forte raison un engagement tel que celui dont parlait le ministre prussien, et qui eût été contraire aux véritables intérêts de l’Autriche. « Il était à prévoir, — écrivait un homme d’état autrichien qui se trouvait à Gastein au moment de l’entrevue des deux souverains allemands (2-3 août), — il était à prévoir que M. de Bismark userait de toutes les ressources de son esprit pour convaincre l’empereur de la solidarité de l’Autriche, de la Prusse et de la Russie dans la question polonaise ; mais les efforts faits dans ce sens personnellement par sa majesté prussienne ont dépassé toutes les prévisions. » Le roi Guillaume Ier fit entrevoir à l’empereur tous les dangers créés à la paix générale par l’attitude de son gouvernement dans la question polonaise, et se dit de plus autorisé par le tsar à donner à François-Joseph l’assurance positive du désir sincère de la Russie de rétablir l’ancienne entente cordiale avec la cour de Vienne. L’empereur se montra très ferme ; il déclara que les intérêts de l’Autriche ne lui permettaient pas de changer la politique qu’il poursuivait, et que c’était à la Russie de rendre la solution pacifique possible en adoptant un système conciliant envers les Polonais. Ce n’est pas là du reste le seul mécompte qui attendît le roi de Prusse à Gastein, et il ne tarda pas à y être surpris par l’initiative hardie et tout à fait imprévue de l’Autriche dans la question allemande.

Bien averti sur ces diverses démarches et en connaissant l’issue assez satisfaisante, le gouvernement français crut le moment favorable pour faire de nouvelles ouvertures à la cour de Vienne, et le duc de Gramont reçut (dans les commencemens du mois d’août) des instructions en ce sens. Le cabinet des Tuileries demandait à l’Autriche de s’expliquer franchement sur la conduite qu’elle comptait suivre, il se déclarait prêt à s’entendre avec elle sur toutes les questions qui avaient rapport aux intérêts et à l’intégrité de l’empire des Habsbourg. En même temps que M. Drouyn de Lhuys accentuait avec une force inusitée les devoirs de la France dans la cause polonaise, les obligations particulières, morales et traditionnelles d’un Napoléon envers cette nation opprimée à l’excès, fidèle à toute épreuve, il faisait encore ressortir les avantages précieux qui s’offriraient à l’Autriche, si elle s’associait sans arrière-pensée à la politique française dans cette question. Dans les cercles bien informés de Vienne, on prétendit même qu’à côté de ces paroles engageantes du cabinet des Tuileries, il y avait aussi un mot qui touchait