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d’homme à homme et corps à corps. À ce titre la nudité était une portion dans un ensemble d’institutions et de mœurs, et le signe visible auquel la nation se reconnaissait…

Me voici dans la salle des bustes : il serait bien mieux d’en parler en phrases graves et avec des points d’exclamation ; mais le caractère vous saute aux yeux ; impossible de le noter autrement que par un mot peu respectueux. Après tout, ces Grecs et ces Romains étaient des hommes ; pourquoi ne pas les traiter comme des contemporains ?

Scipion l’Africain, une large tête sans cheveux, point belle ; les tempes aplaties comme celles des carnassiers, mais le solide menton, les lèvres énergiquement serrées des dominateurs.

Pompée le Grand, ici, comme dans l’histoire, il est du second ordre.

Caton d’Utique, un grimaud aigre, à grandes oreilles, tout tendu et raidi, les joues tirées d’un côté, grognon et d’esprit étroit.

Corbulon, un cou tors qui a la colique, grimé et patelin.

Aristote, une tête ample et complète comme celle de Cuvier, un peu déformée à la joue droite.

Théophraste, un visage labouré et plein d’angoisses ; c’est lui qui a dit sur le bonheur le mot désespéré que commente Leopardi.

Marc-Aurèle, son buste est un de ceux que l’on rencontre le plus souvent, et on reconnaît tout de suite ses yeux à fleur de tête. Il est triste et noble, et sa tête est celle d’un homme tout entier dominé par son cerveau : un rêveur idéaliste.

Démosthène, toute l’énergie et tout l’élan d’un homme d’action ; le front est un peu fuyant, le regard est comme une épée ; c’est le parfait combattant, toujours lancé.

Térence, un méditatif incertain, le front bas, peu de crâne, l’air étriqué et triste. Il était client des Scipions, pauvre protégé, ancien esclave, puriste délicat, poète sentimental, et on préférait à ses comédies des danses sur la corde.

Commode, figure fine et étrange, dangereusement volontaire ; les yeux à fleur de tête, un jeune beau, un élégant qui pourra faire de singulières choses.

Tibère, il n’est pas noble ; mais pour le caractère et la capacité, il peut porter dans sa tête les affaires d’un empire et l’administration de cent millions d’hommes.

Caracalla, tête violente, vulgaire et carrée, inquiétante comme celle d’une bête fauve qui va se lancer.

Néron, un beau crâne plein, mais une vilaine gaîté. Il ressemble à un acteur, à un primo huomo, fat et vicieux, malsain d’imagination et de cervelle. Le trait principal est le menton en galoche.