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celui du tremblement de terre de Lisbonne en Portugal ou des éruptions du Vésuve à Naples, et ceux qui y ont assisté n’en parlent encore qu’en frémissant. Les romans mêmes font intervenir les catastrophes de la terrible année dans la trame de leurs fictions[1]. Le grand incendie de Londres ne laissa pas après lui une plus profonde impression. À partir de 1822 s’ouvrit une ère de prospérité sans exemple. Le commerce et l’industrie prirent un prodigieux essor. La consommation des filatures de coton s’éleva en peu d’années de 250,000 à 1 million de balles. L’argent était si abondant que la réserve métallique de la Banque se maintint presque constamment, en 1823 et 1824, aux environs de 12 millions de livres sterling. Le gouvernement profita de cette situation favorable du marché monétaire pour convertir successivement les anciens emprunts 5 pour 100 en 4 1/2 et le 4 pour 100 en 3 1/2. Les consolidés 3 pour 100 suivaient une marche ascendante continue. En avril 1823, ils étaient à 73, en octobre à 83, en janvier 1824 à 86, et en novembre ils avaient atteint le taux inouï de 96. Il y avait surabondance, pléthore du capital, qui avait cessé de trouver dans le pays un placement rémunérateur. C’est alors qu’on commença de jeter les yeux au dehors pour chercher un emploi plus avantageux. Les emprunts des états européens contractés dans les années précédentes avaient donné de beaux revenus et des bénéfices considérables par suite de la hausse de toutes les valeurs. Séduits par ces résultats brillans, les capitalistes se montrèrent disposés à prêter leur argent à tous les états besoigneux des deux mondes. Les jeunes républiques de l’Amérique du Sud, nouvellement reconnues, se jetèrent avec avidité sur ces trésors inépuisables qui leur arrivaient des sombres pays du fer et du charbon. De 1821 à 1824, l’Angleterre souscrivit à des emprunts étrangers pour un capital de 48,480,000 livres sterling, soit 1 milliard 200 millions de francs. Sur la liste, nous voyons figurer le Mexique pour 6,400,000 livres sterling, la Colombie pour 6,700,000, le Chili pour 1,000,000, Buenos-Ayres pour 1,000,000, Guatemala pour 1,400,000, le Pérou pour 1,300,000, Guadalaxara pour 600,000. Nul état, si inconnu, si dépourvu fût-il, ne frappait en vain à la porte du grand banquier de l’univers.

Ces larges écoulemens ne semblaient toutefois pas suffire à absorber le flot montant de la richesse nationale. De toutes parts surgirent

  1. Dans un roman intitulé A Gentleman, qui a obtenu naguère un légitime succès en Angleterre, la physionomie de la crise de 1825 est admirablement décrite. La détresse des industriels, la misère des ouvriers, les riots, les émeutes, les runs sur les banques, tout cela est peint sur le vif. Le héros, John Halifax, sauve la banque locale en y apportant un sac rempli d’or au moment où la Coule réclame le remboursement.