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du plus puissant établissement du monde. Elle accepta l’assistance de douze des principaux banquiers de Paris qui, par l’entremise de la maison Baring de Londres, lui ouvrirent un crédit de 2 millions de livres sterling. Grâce à l’élévation du taux de l’escompte, l’argent commença de refluer vers l’Angleterre, et la crise se dissipa peu à peu. Le nombre des faillites avait été considérable ; l’industrie souffrit beaucoup, et la classe ouvrière, privée de travail, ouvrit l’oreille aux théories chartistes. En somme néanmoins, il y eut en 1839 une gêne très forte du money-market plutôt qu’une véritable tourmente économique. D’autres pays eurent à subir des épreuves plus terribles que l’Angleterre. En Amérique, la crise, qui durait depuis 1836, arriva à son apogée en 1839 par la suspension et la liquidation définitive de la Banque des États-Unis. Dans la seule année 1839, 959 banques avaient spendu. De 1837 à 1839, les statistiques officielles constatèrent 33,000 faillites et une perte de 440 millions de dollars. En Belgique, en 1838, la banque principale suspendit, et toutes les valeurs baissèrent énormément. Les actions industrielles étaient tombées à vil prix, et il y eut des pertes considérables. En 1839, la crise atteignit Hambourg. L’escompte s’éleva, chose inouïe alors, à 7 pour 100 ; beaucoup de maisons faillirent ; la place fut profondément ébranlée et couverte de ruines. La France même, quoiqu’on ne pût lui reprocher d’abuser du crédit et de la circulation fiduciaire, n’échappa point à l’ébranlement général. De janvier à juillet 1839, on constata à Paris plus de 600 faillites importantes, parmi lesquelles 93 de sociétés par actions, qui occasionnèrent une perte de 148 millions de francs.


II

Ces embarras si fréquens et si graves de la circulation appelèrent de nouveau, vers cette époque, l’attention du parlement anglais. Un certain groupe d’économistes et d’hommes pratiques très versés dans les questions financières attribuaient alors ces perturbations sans cesse renaissantes à l’emploi exagéré des billets de banque qui expulsaient du pays le véritable intermédiaire des échanges, l’or et l’argent. Les écrits de Mac-Culloch, de W. Clay, du colonel Torrens, de M. Loyd et de M. Norman entraînèrent l’opinion, et Robert Peel put faire voter le fameux act de 1844, qui a donné lieu depuis à tant de débats. Par cette loi, la Banque d’Angleterre était autorisée à émettre 14 millions de billets, et les banques de province 8 millions. Au-delà de ces 22 millions (550 millions de francs), toute émission nouvelle devait être couverte par une contre-valeur en métaux précieux. De cette façon, l’intermédiaire des échanges, composé de billets et de numéraire, ne pouvait s’étendre que dans la