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la France, ce qui acheva d’absorber le capital disponible, et en outre des circonstances désastreuses vinrent peser sur une situation déjà si tendue. La maladie des pommes de terre, qui éclata en 1845 comme un choléra de la végétation, ruina, affama l’Irlande, que l’Angleterre dut nourrir avec un sacrifice de plus de 160 millions de francs, tandis que le prix des grains s’élevait par suite de l’insuffisance de la récolte. En 1846, le blé resta cher, et, la récolte ayant manqué en France, il monta au commencement de 1847 au taux de disette de 102 shillings le quarter. Sous la pression d’une demande aussi intense, les grains affluèrent d’Amérique et de Russie. New-York seul en expédia pour près de 200 millions de francs, et on estima que l’importation totale des denrées alimentaires atteignit 1 milliard de francs. Les exportations de marchandises anglaises ne s’étaient pas accrues en proportion de ces énormes importations ; il fallut donc payer la différence en métal. Le change avec les marchés qui avaient fourni le blé, les États-Unis et la Russie, devint défavorable, et l’or commença de s’écouler hors du pays. L’encaisse de la Banque descendit, de 15 millions en décembre 1846, à 9 millions en avril 1847. La Banque, après une sécurité trop longtemps prolongée, s’alarma enfin, et éleva coup sur coup l’escompte à 3 1/3 le 14 janvier, et à 4 le 21. Cette mesure, où se trahissait l’inquiétude, la communiqua au monde commercial. Toutes les valeurs baissèrent rapidement, les consolidés tombèrent à 88. Malgré les signes précurseurs de la tempête, on espéra un moment y échapper. Le ciel sembla s’éclaircir, un peu de métal reflua vers la Banque. En mai, une somme importante déjà embarquée pour l’Amérique fut remise à terre. L’encaisse se releva à 10 millions 1/2 sterling. On croyait si bien le danger passé que le discours du trône à la clôture du parlement, le 23 juillet, ne mentionna point les difficultés qui menaçaient le monde des affaires. Et pourtant dès la fin du même mois on vit avec effroi recommencer l’exportation des métaux précieux pour la Russie, pour les États-Unis, pour la France même, où sévissait déjà la crise. En août, la Banque, pour retenir sa réserve qui fuit, relève l’escompte à 5, puis à 5 1/2 ; elle restreint ses avances, elle n’accepte plus que les billets à un mois, et en septembre elle annonce qu’elle cesse de faire des avancés sur dépôt de fonds publics. Ces mesures de salut, commandées par la situation et auxquelles elle aurait dû avoir recours plus tôt ; déterminèrent enfin l’explosion de la crise, si longtemps, mais en vain retardée. Les premières maisons qui succombèrent furent celles qui étaient engagées dans le commerce des grains. Par suite de la bonne récolte de l’année, le prix du blé tomba en juillet à 74 shillings le quarter, et à 49 shillings en septembre. Tous les négocians qui avaient acheté dans les hauts prix perdirent énormément. Les faillites