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30 pour 100. Dans les principaux centres industriels, on voit succomber les plus puissantes maisons, avec des passifs qui se comptent par millions. Même les fameuses banques d’Ecosse, qui avaient tenu tête à toutes les crises précédentes, et qui étaient citées pour leur solidité, ne purent cette fois résister au choc. Le 9 novembre, la Western-Bank, avec ses quatre-vingt-treize succursales, suspendit ses paiemens. Cette catastrophe inattendue jeta partout la consternation, et atteignit directement les classes inférieures. Les petits bourgeois, les ouvriers même, déposaient leurs économies dans ces établissemens de crédit, et leurs banknotes d’une livre étaient dans toutes les mains. Dès lors on se rua sur les banques pour retirer les dépôts et obtenir de l’or. On comprend le désespoir de tous ceux qui étaient repoussés, et qui revenaient les mains vides ou avec un chiffon de papier que nul ne voulait recevoir. En cette extrémité, on vit ce que peuvent l’initiative individuelle et les habitudes de publicité d’un pays libre. Le 17 novembre se réunit à Glasgow un meeting composé des membres de l’aristocratie et de la bourgeoisie riche, et tous les assistans s’engagèrent à accepter au pair le papier des banques en tout paiement. Cette énergique résolution ramena la confiance ; le billet circula de nouveau, et comme les actionnaires des banques, la plupart riches propriétaires, étaient tenus sur tous leurs biens, en vertu de la clause de responsabilité illimitée, le passif fut entièrement couvert.

À Londres, par suite de l’épuisement de sa réserve métallique, la Banque était arrivée au moment où, pour obéir à l’act de 1844 » elle allait être réduite à une complète impuissance. Comme en 1847, les instances du commerce déterminèrent le ministère à autoriser la suspension de l’act (12 novembre), et cette fois les émissions dépassèrent la limite légale d’environ 25 millions de francs. Le total des escomptes s’éleva de 14,803,000 livres sterl. le 10 novembre à 21,600,000 livres sterl. le 21 du même mois. Comme en 1847, cette mesure de salut public parut amener une détente dans la situation ; malheureusement elle arriva trop tard pour sauver les districts industriels des cruelles épreuves qu’ils eurent à traverser pendant ce terrible hiver.

L’ébranlement général et la suspension complète des affaires amenèrent une baisse considérable sur tous les prix. La fonte tomba de 83 à 48 shillings la tonne, les cotons filés et tissés perdirent de 18 à 24 pour 100, et il en fut de même pour la plupart des marchandises. Les pertes de tous les fabricans furent énormes. Il fallut restreindre la production et renvoyer les ouvriers. L’industrie sidérurgique principalement souffrit beaucoup. Plus de 120 hauts-fourneaux furent mis hors feu, et par suite 40,000 ouvriers se trouvèrent sans ouvrage. À Manchester, à Birmingham, on ne travailla qu’à short