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ferait exclusivement les affaires de la Prusse. On s’est cru en France de bien grands politiques parce qu’on mettait en avant dans la question des duchés le soi-disant principe des nationalités ; on s’est cru bien fin aussi parce qu’on pensait soutenir jusqu’à un certain point les états moyens de la confédération, parce qu’à l’aide de ces états moyens on se figurait aider à la formation d’une troisième Allemagne qu’on pourrait mettre en balance entre la Prusse et l’Autriche. On voit aujourd’hui le dénoûment ; les malheureux Danois du Slesvig en sont réduits à porter au roi de Danemark de stériles doléances ; la Prusse a rayé de ses papiers la question de nationalité et n’invoque à l’égard des duchés que le droit de conquête et le droit diplomatique dérivé du traité de cession arraché au Danemark ; les états moyens n’ont pu maintenir jusqu’au règlement de la question de succession l’occupation fédérale du Holstein ; la Saxe et le Hanovre ont subi l’affront d’une sommation à court délai de la Prusse ; les ministres des petits états essaient par contenance d’une de ces réunions, devenues ridicules à force de rester impuissantes, qu’ils forment de temps en temps, tantôt à Bamberg, tantôt à Würtzbourg ; M. de Bismark garde en réalité les duchés, et s’il consent un jour à en transmettre à quelque prétendant la souveraineté nominale, ce ne sera qu’après avoir obtenu du candidat favorisé de bonnes conventions qui feront du Slesvig et du Holstein des appendices militaires et maritimes de la Prusse. Une situation semblable réveille l’idée de la protection que Louis XIV, Louis XV, lui-même et Napoléon Ier donnaient aux états secondaires de l’Allemagne pour les défendre contre leurs puissans et avides voisins : cela fait penser à la confédération du Rhin ; mais peut-on s’arrêter à une idée si ambitieuse à la fin d’une transaction qui a commencé par l’abandon éclatant et sans rémission, abandon jusqu’à présent sans exemple, d’une des puissances de second ordre qui avaient le mieux mérité de l’Europe, et en particulier de la France, par son libéralisme, sa bravoure et sa fidélité aux engagemens internationaux ? Le plus clair de cette affaire, c’est qu’on a laissé reprendre à la Prusse, qui était restée si effacée depuis cinquante ans dans les conseils de l’Europe, la position politique et l’action militaire d’une grande puissance. En Italie, si nous ne sommes point au bout de nos difficultés, nous avons eu du moins la main plus heureuse. Le pape vient de nous montrer par son encyclique que nous avions pris une peine bien superflue en élevant des objections vétilleuses sur l’interprétation que les Italiens avaient donnée à la convention du 15 septembre. Les Italiens se sont mis en règle à l’égard de cette convention ; notre tâche ne tardera point à commencer, et le pape, par son grand manifeste, vient de mettre notre conscience à l’aise. Aux États-Unis, notre diplomatie s’est montrée peu prévoyante : elle s’est maladroitement inspirée de sentimens partiaux pour la rébellion du sud, elle a fait dans le temps des démarches inopportunes et qui ne pouvaient être accueillies par le gouvernement d’un peuple fier ; mais aujourd’hui l’aspect