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étrangères au véritable fond du débat. Il attaque le monopole des banques d’état ; il reproche à la Banque de France les dividendes qu’elle a pu distribuer à ses actionnaires. On pourra répondre pertinemment à ces critiques qui ressemblent à un feu de tirailleurs, mais qui n’engagent point, à vrai dire, le corps de bataille. Que la France soit placée sous le régime de l’unité en matière de Banques d’émission, que la liberté des banques, qui est le système le plus conforme à la théorie, soit plus ou moins complètement réalisée en certains pays, qu’en d’autres contrées existe le système de la pluralité des banques, là n’est point le différend véritable et l’intérêt réel du débat entre M. Isaac Pereire et ses adversaires. Il ne faut pas confondre le système de création et d’organisation des institutions de crédit avec les principes qui doivent régler leur conduite dans la pratique journalière, et, pour parler trivialement, avec la façon dont elles font et doivent faire leur métier. Ce qu’il y aurait à craindre dans une organisation qui ne serait pas conforme à la liberté, c’est qu’une banque, trompée par sa position exceptionnelle et privilégiée, ne crût pouvoir en profiter pour fausser le jeu naturel des opérations commerciales, pour altérer arbitrairement les conditions du crédit, pour en dénaturer artificiellement le prix voulu par la nature variable des choses. Or c’est précisément pour prévenir ces désordres, résultats possibles d’un privilège mal exploité, que les économistes et les praticiens éclairés qui depuis cinquante ans ont étudié les questions de crédit et de banque sous toutes les formes, à travers les circonstances les plus diverses, ont fini par inculquer aux banques de France et d’Angleterre ce grand principe, à savoir qu’elles doivent se régler dans la fixation de l’intérêt suivant la nature des choses, telle qu’elle leur est à chaque instant révélée par les mouvemens corrélatifs de leurs divers comptes, de telle sorte que les variations du taux de l’intérêt arrivent à se produire sous le régime de l’unité comme elles se produiraient naturellement sous le régime de la liberté pure. Ce système de conduite, aussi exactement conforme que possible aux mouvemens naturels des capitaux et des opérations de commerce et d’industrie, a deux résultats d’une importance capitale : premièrement, il met les banques en état de faire toujours face à leurs engagemens et de maintenir le crédit de la monnaie fiduciaire ; secondement, il préserve le commerce et les capitaux des erreurs, erreurs qui ne pourraient être durables, mais dont les conséquences désastreuses seraient aggravées en raison de leur durée, auxquelles les entraînerait une altération arbitraire des conditions du crédit.

Eh bien ! c’est de cette conduite à laquelle sont attachées la solvabilité des banques et la solidité du crédit général que M. Isaac Pereire ne veut à aucun prix. M. Isaac Pereire se soucie peu au fond de la liberté ou de la pluralité des banques. Ce qu’il lui faut, c’est une banque ou des banques qui maintiennent l’intérêt à un taux fixe et bas, et par conséquent qui se servent de leur position exceptionnelle et du prestige, qu’elles auront au-