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début de ce volume, et enrichie d’intéressans détails, la forte leçon où l’auteur de l’Histoire générale de la Philosophie a porté sur l’essence même des doctrines néoplatoniciennes un jugement profond et décisif. Ceux qui se sont fait une règle de puiser avant tout dans l’original la connaissance des systèmes accueilleront cette publication avec une joie reconnaissante. Il y a plus : si, cédant à l’attrait extraordinaire que les spéculations des alexandrins exercent sur les esprits philosophiques, ils se laissent aller à relire Proclus, ils s’apercevront bien vite que les vérités et les erreurs qui tantôt se mêlent et tantôt s’entrechoquent dans ces vieux commentaires sont précisément les mêmes que les vérités et les erreurs dont le conflit est aujourd’hui flagrant. Autour de nous, des penseurs se demandent sérieusement, sincèrement, comme Proclus, et en termes presque semblables, non pas si Dieu existe, mais comment il existe, et si lui attribuer certaines perfections, même les plus sublimes, ce n’est pas porter atteinte à son essence ineffable. Comme du temps de Plotin et de Proclus, déterminer l’infini paraît en ce moment non-seulement difficile, ce qui serait incontestable, mais scientifiquement impossible. La publication de M. Cousin a donc cela d’opportun qu’elle met sous les yeux du lecteur un ensemble de hautes et redoutables questions redevenues actuelles. Aussi, même après tant de beaux travaux que nous ne prétendons ni refaire ni égaler, mais qui sont antérieurs de quinze années à nos graves préoccupations de l’heure présenté, nous croyons qu’il est à propos d’examiner encore quel est le dieu de Proclus, et si c’est un dieu, puis quelle est la valeur de la méthode qui a produit sa théodicée, et si cette méthode à la fois ambitieuse et stérile ne doit pas être résolument écartée par la science moderne. Avant de traiter ces deux points, nous étudierons brièvement dans Proclus l’homme, le païen dévot et faiseur de prodiges, enfin le poète. Sa vie, ses superstitions, ses hymnes, éclaireront d’avance sa doctrine et en prépareront l’intelligence.

    et le Mal est perdu ; mais ces traités subsistent dans une traduction latine à demi barbare de la main du dominicain Guillaume de Morbeka, ami de saint Thomas, pénitencier des papes Clément IV et Grégoire IX. Fabricius avait publié le premier traité d’après un manuscrit de la bibliothèque de Hambourg. Un Français, M. de Burigny, fit transcrire les trois traités d’après le même manuscrit et en donna la copie à la Bibliothèque royale de Paris. En 1820, M. Cousin, ayant étudié cette copie et n’en étant pas satisfait, partit pour l’Italie et trouva deux manuscrits des trois traités de Proclus à l’Ambrosienne de Milan. Il les compara avec le manuscrit de Hambourg, corrigea une foule de mots altérés par les copistes et put même ajouter deux pages entières à la copie de Paris. Le mot à mot latin est éclairci dans la nouvelle édition par des textes grecs empruntés à Proclus et à Plotin. On verra dans le volume même de M. Cousin qu’il a fait de semblables travaux pour le Commentaire sur le premier Alcibiade et pour les hymnes de Proclus.