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son étendue, et en considérant comme principale une circonstance accessoire, ne sont-ils pas arrivés à indiquer comme souverain un remède nécessairement insuffisant ? Voilà ce qu’a soutenu le consciencieux auteur de l’Histoire des Prix, M. Tooke, et, il faut bien l’avouer, les événemens ont confirmé plusieurs de ses objections. L’act de 1844 n’a empêché ni la crise de 1847 ni celle plus sérieuse encore de 1857.

M. Tooke affirmait d’abord que l’émission des billets de banque n’a point pour effet d’élever les prix, parce qu’ils remplacent les effets de commerce, et qu’ainsi ils ne pénètrent pas assez avant dans la circulation pour agir de la même façon que le ferait un accroissement de monnaie métallique. Ce point de théorie est encore incomplètement éclairci. Cependant M. Stuart Mill entre autres y a jeté assez de lumières[1] pour qu’on puisse dire que l’opinion de Tooke ne doit être admise qu’avec infiniment de réserve et pour certains cas seulement. Quoi qu’il en soit de cette difficulté, Tooke a du moins clairement démontré que les crises ne proviennent point d’un excès dans l’émission des billets. Ce qui avait fait naître cette manière de voir, c’étaient principalement les fluctuations du marché monétaire en 1824 et 1825, en 1836 et 1837. Or Tooke a montré que l’histoire financière de ces années ne confirmait pas du tout l’appréciation de Robert Peel à ce sujet.

Depuis la reprise des paiemens en espèces, la circulation fiduciaire de la Banque d’Angleterre s’était élevée en moyenne à 19 ou 20 millions sterling. Au commencement de 1823, elle était de 18,392,240 livres avec un encaisse d’environ 10 millions. En 1824, quand se déclara la fièvre de spéculation qui devait amener la fameuse débâcle, la circulation des billets montait à 19 millions de livres ; mais comme d’autre part l’encaisse s’était élevé au chiffre énorme de 14 millions, cette insignifiante augmentation des notes était parfaitement justifiée. En octobre, quoique l’encaisse métallique fût tombé à 11,600,000 livres, on ne peut pas dire que l’émission était exagérée, puisqu’elle était restée au chiffre de 19 millions, et qu’ainsi elle n’allait pas même au double de l’encaisse, tandis qu’on admet qu’elle peut s’étendre sans danger jusqu’au triple. Les banques provinciales furent moins réservées que la Banque d’Angleterre ; mais leurs émissions, dont on ne connaît pas exactement le total, et qui ont été, d’après Tooke, très exagérées par leurs adversaires, n’eurent point lieu au moment de la grande expansion du commerce et de l’industrie qui amena plus tard la catastrophe. Toutefois, si la surabondance de la circulation

  1. Voyez ses Principes d’Économie politique, liv. III, ch. 4.