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savans croyaient encore à l’immuable solidité de la charpente osseuse du globe, Celsius devait naturellement attribuer l’accroissement incessant du littoral à la dépression graduelle du niveau de la mer. En 1730, il émit l’hypothèse que la Baltique s’abaissait d’environ trois pieds tous les cent ans, puis, ayant tracé l’année suivante, en compagnie de Linné, un point de repère à la base d’un rocher de l’île Loeffgrund, située non loin de Gefle, il put constater par ses propres yeux, treize ans plus tard, que le rétrécissement de la mer Baltique s’accomplissait plus vite encore qu’il ne l’avait supposé[1].

Depuis le siècle dernier, tous les géologues qui ont visité les côtes de la Suède n’ont eu qu’à vérifier et à compléter les observations de Celsius et de Linné ; mais ils ont dû renverser l’hypothèse première de l’abaissement graduel des eaux et reconnaître d’une manière certaine que les mouvemens attribués par erreur à la masse liquide de la Baltique étaient bien ceux du continent lui-même. C’est la terre, et non point la mer, qui est en réalité l’élément mobile et changeant. En effet, si le niveau marin s’abaissait progressivement, ainsi qu’on le supposait autrefois, l’eau, dont la surface, grâce à la pesanteur, se maintient toujours horizontale, se retirerait également sur le pourtour de la presqu’île scandinave et même sur tous les rivages des mers. Il n’en est point ainsi. Tandis qu’à l’extrémité septentrionale du golfe de Bothnie, vers l’embouchure de la Tornea, le continent émerge de 1m,60 par siècle, il s’élève seulement de 1 mètre par le travers des îles d’Aland ; au sud de cet archipel, il grandit plus lentement encore. Vers Calmar et Carlscrona, la ligne du rivage ne change pas relativement au niveau de la mer ; enfin la pointe terminale de la Scanie s’enfonce graduellement sous les eaux de la Baltique. Plusieurs rues des villes de Malmoe, Trelleborg, Ystad, ont déjà disparu, et depuis les observations faites par Linné la côte a perdu en moyenne une zone de 30 mètres de large.

Sur les côtes occidentales de la péninsule scandinave, les phénomènes qui prouvent un soulèvement récent du sol sont aussi nombreux que sur les rives orientales ; mais on n’a pas encore mesuré la rapidité du mouvement d’ascension, qui d’ailleurs est certainement moins considérable qu’en Suède. La pointe terminale du Jutland s’élèverait, d’après Forchammer, de 30 centimètres par siècle ; à Christiania, la poussée intérieure est peut-être moins forte, car depuis trois cents ans le pavé de l’ancienne ville paraît être stationnaire ; enfin, plus au nord, la position actuelle de divers édifices situés dans l’île de Munkholm, près de Trondhjem, prouve que depuis

  1. La différence de niveau observée pendant ces treize années était de 0m,18, soit de 1m,385 pour un siècle.