Page:Revue des Deux Mondes - 1865 - tome 55.djvu/66

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

mille ans l’élévation du sol a été moindre de 6 mètres. C’est là tout ce que l’on sait d’une manière positive ; la comparaison des diverses lignes de niveau et l’examen des autres indices d’un soulèvement lent semblent toutefois démontrer qu’en dépit d’inégalités nombreuses dans la marche du phénomène, c’est bien la partie du littoral la plus rapprochée du pôle qui émerge le plus rapidement hors des flots. Des plages élevées, que l’on peut suivre du regard comme des gradins d’amphithéâtre, s’étagent à diverses hauteurs sur les pentes des montagnes ; des amas de coquillages modernes se montrent jusqu’à 150 et 200 mètres au-dessus du niveau marin, et les grands arbustes de corail rose formés par la tophelia proliféra, qui ne peut vivre dans la mer qu’à une profondeur variable de 300 à 600 mètres, sont maintenant soulevés jusqu’à la base des falaises. Enfin les bois de pins qui revêtent les sommets, et que les forces souterraines ne cessent d’exhausser vers la limite inférieure des neiges, dépérissent peu à peu dans l’atmosphère refroidie, et de larges lisières de forêts ne se composent plus que d’arbres morts, quoique restant encore debout depuis des siècles.

L’ensemble des faits connus au sujet des mouvemens du sol de la Scandinavie autorise donc les savans à comparer la péninsule tout entière à un plan solide tournant autour d’une ligne d’appui et redressant une de ses extrémités pour abaisser l’autre dans la même proportion. Les golfes de Bothnie et de Finlande, pareils à des vases que l’on incline, épanchent lentement leurs eaux dans le bassin méridional de la Baltique ; de nouveaux îlots, des rangées d’îles apparaissent successivement, des écueils se révèlent, et si l’élévation du fond de la mer continue de s’accomplir avec la même régularité que dans les siècles historiques, on peut déjà prédire qu’au bout de deux mille ans l’archipel des Qvarken, entre Umea et Vasa, sera changé en isthme, et transformera le golfe de Tornea en un lac intérieur semblable à celui de Ladoga. Dix-huit siècles plus tard, les îles d’Aland seront à leur tour rattachées au continent et serviront de pont entre Stockholm et le territoire de la Russie. D’ailleurs il est très probable, sinon certain, que les grands lacs et les innombrables pièces d’eau qui remplissent toutes les vasques de granit de la Finlande ont remplacé un ancien bras de mer réunissant naguère la Baltique au grand Océan polaire. Les blocs granitiques épars sur tous les points de la Russie ne peuvent avoir été transportés que par des convois de glaces venus par mer des montagnes de la Suède. Le nom de Scandinavie lui-même signifie île de Scand, et le nom de Bothnie (Botten) prouve que ces provinces riveraines sont un ancien fond marin. Ici la linguistique vient donc en aide à la géologie et à la tradition.

Ce n’est pas tout. La méditerranée baltique communiquait aussi