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core mieux d’y renoncer; il y a péril à les donner pour support à une portion quelconque de l’émission des billets payables au porteur et à vue. Quand ceux-ci se trouvent adossés à des lettres de change qui représentent des opérations sérieuses, les échéances successives aboutissent à un paiement effectif qui renouvelle l’encaisse. Il n’en est pas de même des avances faites sur des valeurs d’autant plus difficiles à réaliser que la situation devient plus embarrassée, et qui sont, par leur essence, étrangères à la circulation du numéraire. Le crédit commercial souffre de voir détourner vers une autre destination une partie de la circulation fiduciaire, dont la quotité est plus bornée qu’on ne le suppose; il souffre des complications que produit, lorsque les besoins du marché augmentent, la nécessité de faire vendre des titres dont la baisse précipite la crise, ou bien de renouveler les prêts au détriment de l’escompte.

Nous comprendrions l’utilité d’un établissement distinct chargé de consentir des avances sur les fonds publics, les actions et les autres valeurs de placement, comme le Crédit foncier accorde des prêts sur immeubles, mais c’est à la condition que le principe se- rait le même, que dans un cas comme dans l’autre on n’aurait point recours à des billets faisant office de monnaie. Monnayer les titres de placement est une pensée tout aussi chimérique que celle de monnayer la terre ; le système de Law reposait sur des conceptions analogues. Rien à première vue de plus séduisant ni de plus simple que de créer la richesse au moyen d’un papier à vignettes destiné à remplacer le numéraire; mais celui-ci n’est que la mesure des valeurs, il ne vaut que comme agent intermédiaire des transactions, il constitue l’indispensable mécanisme des échanges. Les services qu’il rend sont considérables; les méconnaître serait aussi peu rationnel que de confondre la richesse avec l’abondance des métaux précieux, comme le faisait le système erroné de la balance du commerce. L’or et l’argent ont été appelés à faire l’office d’une mesure, la moins variable et la mieux appropriée à la courte durée des transactions humaines. Destiné à remplacer le numéraire, le billet de banque risque de troubler l’harmonie des échanges, s’il n’est point contenu dans des limites étroites, s’il cesse d’être le simple auxiliaire et l’ombre du numéraire. Il importe de ne point commettre une confusion trop commune. La monnaie de papier est d’un maniement plus commode que la monnaie métallique lorsqu’il s’agit de sommes d’une certaine importance; elle abrège les comptes, facilite les envois, aide à la fécondité du mouvement commercial. Ces avantages, qui tiennent à la forme de la monnaie de papier, on les recueillerait tous, quand même les billets se borneraient à représenter les matières précieuses conservées à titre de gage. Il n’y aurait de différence que pour l’économie que d’autres