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de nouvelles avenues, et l’on créa ces quinconces d’ormes et de marronniers qui subsistèrent jusque dans ces dernières années. Le nombre total des arbres de cette promenade ne s’élevait pas à moins de 9,955, mais depuis longtemps déjà beaucoup d’entre eux commençaient à dépérir. On s’en était pris d’abord aux insectes xylophages, et l’on avait imaginé d’enlever l’écorce pour mettre à jour les galeries de ces ennemis cachés. Ce remède héroïque n’arrêta pas cependant le mal, car la vraie cause du dépérissement des arbres était non les insectes, mais les remblais qu’on avait accumulés à leur pied et qui empêchaient l’air et l’eau d’arriver aux racines. En 1855, il y avait 3,500 arbres à remplacer; c’était une grosse dépense, sans compter que pour conserver les autres il eût fallu renouveler le sol sur presque tous les points. C’est alors que M. Alphand, ingénieur en chef des plantations, eut l’idée de substituer des pelouses et des jardins à une partie des quinconces et de créer des mouvemens de terrain qui permettraient de dégager les racines des arbres encore sains. Ce projet, dont la dépense était évaluée à 790,000 francs, fut mis à exécution; les quinconces et les baraques qui les encombraient disparurent, et les Champs-Elysées furent transformés en un jardin anglais orné de fleurs et de plantes diverses. Bien des personnes avaient craint les dégâts que la population parisienne pourrait commettre dans les parterres. Les fleurs furent respectées cependant, et il ne vint à l’idée de personne de dégrader une promenade dont tout le monde est appelé à jouir.

Les travaux de l’édilité parisienne ne se sont pas arrêtés à l’enceinte fortifiée, et l’on sait de quels soins les bois de Boulogne et de Vincennes ont été l’objet de sa part. Le premier, qui n’a plus aujourd’hui que 700 hectares environ, couvrait autrefois une étendue beaucoup plus vaste et embrassait toute la plaine enveloppée dans la courbe que décrit la Seine depuis Paris jusqu’à Saint-Denis, en passant par Meudon, Saint-Cloud et Asnières. L’invasion de 1814 porta au bois de Boulogne un coup terrible. Il consistait alors en une vieille futaie de chênes âgés et branchus, semblables à ceux qu’on peut voir encore aux environs de la mare d’Auteuil, et qui, à en juger par ceux-ci, devaient lui donner un aspect des plus pittoresques. Une grande partie de ces arbres furent abattus et employés à la construction des barricades pour la défense de Paris, les autres servirent à l’établissement des camps ennemis installés dans le voisinage. Le camp anglais, deux fois incendié, fut deux fois reconstruit aux dépens du bois; les soldats le mettaient à contribution pour leur chauffage et laissaient paître leurs chevaux dans les taillis. Ils firent si bien qu’à leur départ il ne restait presque rien. Dès 1816, le sol, retourné sur tous les points, fut entièrement replanté, et l’on vit bientôt une forêt nouvelle se montrer sur l’emplacement de l’ancienne. Les essences qu’on choisit de préférence furent le chêne et le bouleau, qui aujourd’hui encore forment la base du peuplement; le charme et le hêtre ne se montrent qu’accidentellement. Il existe