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stitution se propose de ranimer l’intérêt qui s’attache aux antiquités celtiques. Ce qu’on veut, c’est répandre les connaissances, faire jaillir le talent qui s’ignore lui-même, inspirer l’amour du foyer et réveiller dans les cœurs une noble ambition pour la culture de la poésie, de la musique et des beaux-arts. A quel point ce but a-t-il été atteint depuis la renaissance des eisteddfodau? Selon la parole de l’un des orateurs, tout hameau a maintenant dans le pays de Galles son chœur de musiciens ; chaque village a son barde, chaque maison a sa Bible. Chaque colline et chaque vallée répètent les anciennes mélodies nationales. Cette année, le comité eut même l’idée d’adjoindre au congrès littéraire une exposition de sculptures et de tableaux, dans laquelle un artiste welshe, M. David Davies, avait envoyé une bonne étude d’après l’antique. Pour exciter encore cette flamme sacrée, une somme de 300 liv. st. (7,500 fr.) servie par le comité, et à laquelle certaines personnes avaient ajouté 50 liv. st. (1,250 fr.), devait être distribuée en prix à ceux qui sortiraient vainqueurs du concours. Un de ces prix, et l’un des plus considérables en argent, était offert à la meilleure pièce de vers. « C’est surtout de la classe ouvrière, dit un des orateurs, que le comité attendait des preuves d’inspiration. » Comme pour établir un lien entre les deux races, les Bretons et les Anglo-Saxons, un autre prix de cinq guinées fut décerné à la meilleure traduction d’Hamlet en vers gallois. Le barde d’Avon apparut ainsi comme une ombre dans le cercle des anciens bardes welshes, qu’il semblait réunir à l’Angleterre par l’autorité du génie. Le chant et la musique reçurent aussi leur récompense. D’excellens discours furent prononcés en anglais sur un ton très sage, et l’assemblée enthousiaste se sépara sans avoir proféré cette fois le vieux cri de guerre : Wales for the Welsh (le pays de Galles pour les Gallois) !

L’intention qui a présidé depuis un demi-siècle à la renaissance des eisteddfodau ne saurait être un instant douteuse : il s’agit avant tout de conserver la langue. S’il faut en croire les habitans du pays de Galles, qui pourraient bien être un peu orfèvres, cette langue est « la plus belle et la plus expressive qu’on ait jamais parlée dans le monde. » La vérité est que, comme tous les anciens idiomes formés à l’origine par une caste sacerdotale, le welshe se prête admirablement à l’éloquence religieuse. Dans les églises de la principauté, le service du dimanche se célèbre alternativement en anglais et en gallois. Parmi les habitans, même ceux qui parlent très bien anglais déclarent que la vieille langue celtique est beaucoup plus solennelle et convient mieux que l’autre aux rapports de l’homme avec la Divinité. Il en résulte naturellement que les ministres du culte sont tenus de posséder les deux idiomes. Presque