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plosion d’applaudissemens. Dès lors on ne pensa plus à la loi suspendue ni à la traction sur les pentes du Giovi, qui se fait encore aujourd’hui par les anciens procédés.

Cependant, les effets utiles de l’air comprimé ayant été contestés, une discussion solennelle s’engagea sur le système de compression et de perforation. Cette discussion donna au parlement sarde, pendant les quatre dernières séances du mois de juin 1857, consacrées au projet de loi du percement des Alpes, la physionomie d’un congrès scientifique. Un homme domine ces singuliers débats, qui portent sur les problèmes les plus élevés des sciences exactes : c’est M. Menabrea. Il se meut à l’aise au milieu des questions techniques soulevées par le projet, il décrit le système proposé avec une précision mathématique. Il est facile de reconnaître à ses discours qu’il est soutenu par le niveau intellectuel de la chambre, où les détails d’application du système des trois ingénieurs avaient été débattus plusieurs fois depuis trois ans; on voit que l’orateur est certain d’être compris. — Plus tard, quand ce petit parlement subalpin a été agrandi par les nouveaux élémens arrivés de l’Italie centrale et méridionale, la percée des Alpes et le système employé dans cet important travail sont revenus encore à l’ordre du jour du 4 mars 1862, et M. Menabrea prit de nouveau la parole; mais le ton général de ses discours, le soin qu’il mettait à éviter les détails trop scientifiques, l’embarras qu’il éprouvait à expliquer les lois qui avaient présidé à la construction des appareils de compression et de perforation, tout indiquait qu’il était moins sûr de son auditoire et qu’il marchait sur un terrain qui n’avait plus la même solidité. — Ces débats faisaient alors comprendre au pays l’importance de l’invention des trois ingénieurs et excitaient un véritable enthousiasme. La Savoie surtout ne cachait pas l’intérêt qu’elle prenait à cette question du percement des Alpes, et quand elle se vit séparée du Piémont, une de ses principales craintes fut que l’annexion à la France ne compromît l’exécution de la grande œuvre si impatiemment attendue. On savait que la ligne du Mont-Cenis, débouchant sur la vallée du Pô et le port de Gênes, avait contre elle de grandes influences et de. grandes rivalités en France. On savait de plus que l’invention destinée à frayer le passage des Alpes tenait dans l’esprit de beaucoup de savans et de presque tout le corps si puissant des ponts et chaussées français à peu près la même place que la recherche du mouvement perpétuel. Toutes ces circonstances n’étaient pas rassurantes pour l’avenir de l’entreprise; aussi le Piémont se réserva-t-il, par l’article li du traité de cession, de la terminer lui-même. Cette clause la mit à l’abri des influences rivales, et bientôt la France s’y associa par la convention internationale du