Page:Revue des Deux Mondes - 1865 - tome 55.djvu/920

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

7 mai 1862. Il était évident que la France ne voudrait pas laisser exécuter sur sa nouvelle frontière un des plus grands travaux du siècle sans y prendre part. Par cette convention, la part de la France est arrêtée à 19 millions dans le cas où les travaux seraient terminés en vingt-cinq ans, et à une prime de 500,000 francs pour chaque année entière gagnée sur les vingt-cinq ans. La direction de l’œuvre reste confiée au gouvernement italien, et le gouvernement français n’intervient que par une commission qui lui rend compte de la marche des travaux. L’un des membres de cette commission, M. Conte, ingénieur en chef de la Savoie, a considérablement modifié par son active propagande l’opinion défavorable du corps savant auquel il appartient : il s’est fait pour ainsi dire l’apôtre des machines aujourd’hui en mouvement pour la perforation des Alpes. Ses conférences à l’école impériale des ponts et chaussées[1] sont, avec le grand rapport[2] de M. Sommeiller, les meilleurs écrits que l’on puisse consulter pour la description scientifique du système hydropneumatique et du travail qu’il accomplit.


III.

Lorsqu’on arrive en face de l’une ou de l’autre attaque des Alpes, le regard étonné s’arrête sur un spectacle inattendu d’activité et de travail. Dans ces régions sauvages, au fond d’un paysage alpestre, immobile et froid, fermé par les immenses parois des montagnes, apparaissent tout à coup des édifices, des ateliers, des travaux d’art, un mouvement, une vie qui rappellent les grands centres de l’industrie. Du côté de la Savoie, près de Modane, les édifices remplissent presque tout l’espace laissé libre dans la vallée par le soubassement des rochers, et on les voit s’élever jusque sur les versans. Les torrens qui descendent des hauteurs ont reçu un nouveau régime, ils ont été canalisés ou enfermés dans des aqueducs et des tubes pour mettre toute la force de leur chute et tout leur volume d’eau au service des machines. Sur des pentes qui de loin paraissent inaccessibles s’élèvent des constructions d’une forme particulière, des observatoires semblables à des chapelles gothiques, des tourelles servant de points de repère trigonométriques surmontées de drapeaux flottans, et marquant la limite où s’est élevé le travail hu- main. Dans toutes les directions, le génie et la main de l’homme ont mis leur empreinte sur cette nature âpre et sauvage. La grande

  1. Conférences faites à l’École impériale des ponts et chaussées, par M. Conte, ingénieur en chef de la Savoie, 1864.
  2. Traforo delle Alpi tra Bardonnèche e Modane. — Relazione della direzione tecnica alla direzione delle strade ferrate dello stato, 1863.