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degré de tension de l’air. A la tension atmosphérique naturelle, l’équilibre est à niveau, en d’autres termes à zéro; à une seule atmosphère, il est à 10 mètres de haut, pour deux atmosphères à 20, et ainsi de suite, en élevant la hauteur de l’eau de 10 mètres pour chaque atmosphère de tension de l’air. Tel est le principe admirable d’après lequel est établie la colonne d’eau que nos ingénieurs appellent manométrique, destinée à maintenir la pression constante de 6 atmosphères absolues et de 5 effectives dans les récipiens d’air comprimé. Elle doit donc avoir 50 mètres de haut. Au flanc de la colline qui domine l’atelier de compression, juste à 50 mètres au-dessus, on a creusé un petit réservoir, contenant environ 400 mètres cubes d’eau, maçonné et voûté dans la prévision des gelées de l’hiver. De ce réservoir part un tube en fonte qui se ramifie et vient jeter un rameau dans chaque récipient. La colonne d’eau qui descend par ce tube fait équilibre à l’air et pèse sur lui d’un poids égal à la pression de 6 atmosphères. On voit l’effet produit : au moment où le compresseur va entrer en mouvement, c’est l’eau qui envahit le récipient tout entier; mais à chaque pulsation du compresseur l’air arrive, refoule l’eau, et si l’on continuait le travail de la production de l’air sans le consommer, celui-ci, après avoir chassé son adversaire du récipient, le poursuivrait dans le tube et viendrait faire bouillonner le réservoir. Comme cette lutte se livre dans un champ clos hermétiquement fermé, on a imaginé, pour en constater les vicissitudes extérieurement, un tube en verre qui mesure, à un décimètre près, la quantité d’eau qui reste dans le récipient. On reconnaît ainsi exactement qui des deux domine dans la capacité intérieure. La colonne d’eau maintient non-seulement la pression constante de l’air, mais elle en régularise l’emploi, et permet de l’utiliser jusqu’à la plus petite quantité. Il ne resterait qu’un litre d’air comprimé dans le récipient, que ce litre serait refoulé, entrerait dans le tube, qui le conduirait au cœur de la montagne, et là il rendrait sa force de travail acquise par la compression.

A Bardonnèche, sur l’attaque piémontaise, dix compresseurs à colonne rangés sur la même ligne et le même plan et divisés en deux groupes de cinq chacun forment un spectacle singulièrement imposant. Chaque groupe est gouverné par une machine aéromobile, semblable à une petite machine à vapeur, qui peut au besoin s’appliquer aux dix compresseurs à la fois. Que l’axe de cette petite machine, à peine visible au milieu de la forêt des grandes colonnes de fer, vienne à tourner sur lui-même, le jeu émouvant commence, les soupapes sont soulevées avec une régularité automatique, et du château d’eau tombent les cataractes de compression dans le groupe des cinq compresseurs ou dans les dix ensemble. L’axe fait trois