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complies par les ingénieurs Borrelli et Copello pendant les années 1857 et 1858, opérations importantes qui forment comme le prologue du grand drame de la perforation des Alpes.

La trigonométrie appliquée à la mesure des distances est fondée sur ce principe, que, les trois angles et les trois côtés d’un triangle étant égaux entre eux, il suffit de connaître la valeur géométrique d’un angle ou d’un côté pour connaître la valeur des deux autres angles et des deux autres côtés. Rien de plus facile que l’application de ce principe sur un terrain uni; mais l’opération se présentait ici dans de tout autres conditions. On fixa d’abord sur la coupe extérieure les points du plan vertical contenant l’axe du tunnel. Chaque ligne verticale tirée de ce plan doit tomber dans le tunnel, comme si l’on creusait un puits. Les ingénieurs et leurs aides chargés des instrumens de précision partirent de l’entrée nord, du côté de Savoie, et jetèrent sur la montagne une ligne trigonométrique qui, se brisant en autant d’angles que la coupe de la montagne offre d’aspérités interceptant la vue, montait par degrés sur la plus haute sommité, à 3,100 mètres au-dessus du niveau de la mer, et redescendait sur le versant méridional pour chercher l’autre entrée du tunnel. Cette première ligne, tracée au milieu des périls, des émotions de l’ascension et de la descente, sur des surfaces où le montagnard et le chamois seuls se sentent à l’aise, alla tomber, au grand désappointement des ingénieurs, assez loin du point qu’ils cherchaient. Il fallut recommencer, escalader de nouveau les sommets, jeter une nouvelle ligne, et ce ne fut qu’à la troisième opération que l’on atteignit l’entrée sud après avoir décrit quatre-vingt-six angles et vingt-huit triangles. Ces angles ont été mesurés jusqu’à soixante fois avec le grand théodolite de l’administration des chemins de fer de l’état, d’une précision telle qu’il donne une approximation de cinq secondes à 10 kilomètres. Souvent, après qu’on avait fait l’ascension d’une sommité pour viser un point, le brouillard, la pluie ou la neige cachaient l’objectif juste au moment où l’œil s’approchait de la lunette pour le viser. Ainsi, pour mesurer les sept angles les plus élevés du réseau trigonométrique, les ingénieurs ont dû faire pendant sept jours consécutifs le trajet qui sépare les chalets de l’Arionda (dont l’altitude est de 2,000 mètres) du lieu appelé la Pelouse, qui est à 3,100 mètres au-dessus du niveau de la mer. La mesure de ces angles a donné exactement la direction de l’axe du tunnel et la distance d’une entrée à l’autre. Si une erreur a été possible, le maximum de l’angle de déviation ne pourrait en aucun cas dépasser dix secondes, c’est-à-dire un écart qui ne sera au milieu du tunnel que de 29 centimètres. Pour s’assurer que le tunnel est toujours contenu dans le plan vertical tracé