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Les corvettes à vapeur, d’un moindre tirant d’eau, mouillent à 350 kilomètres plus au nord, au pied des quais de l’Assomption. Le Paraguay rappelle par sa position géographique l’état nord-américain de l’Illinois, si merveilleusement prospère ; mais de plus il a un doux climat méridional, une végétation fougueuse et des milliers de lieues carrées de terres encore vierges. Grâce à la chaîne de hauteurs qui traverse la république du Paraguay du nord au sud, ce pays a moins de plaines inondées que le Corrientes et l’Entre-Rios ; il est aussi beaucoup mieux cultivé et livre au commerce un plus grand nombre de produits. Une population relativement très nombreuse habite certains districts, et les transforme graduellement en jardins.

Les contrées situées à l’est du Parana moyen et de l’Uruguay, c’est-à-dire le territoire des anciennes missions, la province brésilienne de Rio-Grande-do-Sul et la Bande-Orientale, n’offrent point dans leurs traits généraux la régularité simple et grandiose du Paraguay, mais elles sont peut-être d’un aspect encore plus charmant. Des collines, des montagnes granitiques peu élevées, se dressent en pitons isolés ou se groupent en chaînes de formes pittoresques ; des vallées riantes s’ouvrent dans toutes les directions, et sont arrosées par des ruisseaux et des torrens coupés de cascades. Sur les pentes, les forêts alternent avec les prairies. En aucune autre partie du continent sud-américain, les solitudes n’ont une apparence plus champêtre, plus agréable à la vue de l’émigrant d’Europe. Presque toutes les vallées importantes de ces gracieuses régions, celles de l’ibicuy, du Cuareim, du Rio-Negro, sont inclinées vers l’ouest et déversent leurs eaux dans l’Uruguay ; les vallées ouvertes directement vers la mer sont moins considérables, et se jettent dans l’une des grandes lagunes marécageuses dont Rio-Grande garde l’entrée. Quant au port de Montevideo, c’est de beaucoup le meilleur de la Plata, et s’il était, comme celui de Buenos-Ayres, relié à toutes les provinces de l’intérieur par les faciles chemins qu’offrent les pampas, la capitale si souvent ruinée de la Bande-Orientale serait certainement devenue la ville la plus importante des républiques hispano-américaines.

Les contrées que nous venons de décrire occupent une étendue cinq fois supérieure à celle de la France, bien qu’au dernier siècle elles formassent seulement trois provinces de l’immense empire colonial de l’Espagne. Il est vrai que d’après le recensement de l’année 1797, cité par Azara, la population réunie de tous les pays de la Plata s’élevait à peine à 443,000 âmes. De nos jours, elle atteint 3 millions, c’est-à-dire que le nombre des habitans a sextuplé pendant la durée de deux générations. On le voit, l’accroissement