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berté, non-seulement aux citoyens et à leur postérité, mais aussi à tous les hommes du monde qui voudront habiter le territoire argentin. » Bien que par un article malheureux le gouvernement fédéral fasse une profession de foi catholique, apostolique et romaine, néanmoins il garantit à tous les habitans du pays, natifs ou d’origine étrangère, le libre exercice de leur culte ; en outre il proclame la liberté du travail, du commerce et de l’industrie, l’inviolabilité des personnes et des biens, l’égalité devant la loi de tous les citoyens sans acception de couleur ni de race, le droit de publier ses idées par la voie de la presse, celui de s’associer, celui d’enseigner et d’apprendre. Quant aux diverses provinces de la Confédération Argentine, elles se gouvernent elles-mêmes ; elles s’occupent de toutes les affaires locales, nomment leurs fonctionnaires, votent leur budget et rédigent leur propre constitution, qui devient valable après avoir été révisée par le congrès national et reconnue conforme aux principes républicains. Le gouvernement central, représentant le peuple tout entier, a seul le droit de battre monnaie, de déclarer la paix ou la guerre, de conclure des traités de commerce, d’établir des droits de douane, de fixer les limites des provinces, de s’occuper du progrès général par des travaux embrassant une étendue considérable de la république.

Tel est le système, imité en grande partie de celui des États-Unis, que les hommes politiques de la Plata ont adopté pour le gouvernement de leur pays. Il serait excellent, on peut le dire, si les diverses fractions de la république argentine s’y conformaient ; mais il n’en est pas ainsi. Les anciennes rivalités de Buenos-Ayres et des états de l’intérieur subsistent encore, et deux fois déjà depuis la chute de Rosas, la grande cité du littoral, regrettant son ancienne suprématie, s’est séparée avec sa province du reste de la confédération. Jadis elle avait le monopole de tout le commerce extérieur, et les navires d’outre-mer ne remontaient pas au-delà de sa rade. Actuellement Buenos-Ayres, dépouillée du monopole exclusif, n’en est pas moins restée le grand entrepôt du commerce de la Plata : c’est elle qui reçoit presque toutes les marchandises d’Europe, du Brésil et des États-Unis, c’est elle qui prélève les impôts de douanes et qui en fait profiter le budget fédéral ; malgré ses lourdes dettes, malgré son milliard de papier-monnaie, ne représentant plus que le vingt-cinquième de la valeur de l’émission, elle est tenue de verser dans le trésor national les sommes de plus en plus considérables qu’elle perçoit chaque année sur les articles d’importation. Ces questions d’intérêt se retrouvent au fond de toutes les discordes des provinces de Buenos-Ayres et des autres états de la république. Un grand nombre des habitans de la capitale subissent impatiemment le lien