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del Estero et à Tucuman. Rien de plus facile que de poser des lignes de rails sur ces plaines presque unies, traversées déjà par les courriers et les diligences, sans qu’on ait eu besoin d’y tracer des routes. Au-delà se dresse la haute barrière des Andes ; mais cet obstacle n’est pas infranchissable, et plusieurs ingénieurs, entre autres M. Meigs, à qui l’on doit la construction du beau chemin de fer de Valparaiso à Santiago, s’offrent à surmonter cette arête en faisant passer à 3,500 mètres de hauteur la voie de jonction entre les chemins de la république argentine et le réseau déjà si considérable du Chili. D’ailleurs les difficultés de la traversée des Andes, très sérieuses entre Mendoza et Santiago, sont presque nulles beaucoup plus au sud, entre le haut bassin du Rio-Negro et les colonies chiliennes de Valdivia et de Llanquihue. La grande Cordillère offre là plusieurs solutions de continuité, et même en un point elle livre passage à un affluent du Rio-Valdivia, prenant sa source sur le versant oriental, en pleine pampa de Patagonie. Nul doute que des voies ferrées ne traversent cette partie de la chaîne lorsque des centres de population de quelque importance s’y seront formés[1].

Les nouvelles routes amoindrissent de jour en jour l’espace, ce grand ennemi de la colonisation, et facilitent aux immigrans l’entrée des républiques de la Plata : à elle seule, la Confédération Argentine reçoit plus de colons que toutes les autres républiques hispano-américaines prises ensemble. Plus de douze mille étrangers débarquent chaque année à Buenos-Ayres et dans les autres ports de l’estuaire et du Parana. Ce sont des Basques espagnols et français, gens sobres, actifs, hardis et néanmoins pacifiques ; des Italiens industrieux, habiles, âpres au profit ; des Français, qui s’accoutument facilement aux mœurs du pays et deviennent en peu d’années de véritables Argentins ; des Anglo-Saxons, des Irlandais, des Allemands, qui s’occupent de commerce, d’industrie ou d’agriculture, et se préparent résolument à faire la prospérité de l’Amérique du Sud, comme leurs compatriotes ont fait celle du continent septentrional. Depuis le commencement de la guerre civile des États-Unis, un certain nombre de planteurs américains se sont également dirigés vers Buenos-Ayres, pour appliquer à l’élève des bestiaux et à la culture du cotonnier l’esprit d’initiative et le bon sens pratique qui les distinguent. C’est là un mouvement de la plus haute importance, car il ne peut manquer de créer des relations politiques et commerciales de plus en plus suivies entre la grande république américaine et ses sœurs moins puissantes des bords de la Plata. Il faut remarquer aussi que les immigrans ne s’arrêtent

  1. Le passage le moins élevé de la chaîne a 530 mètres d’altitude, d’après M. Guillermo Cox.