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Le 13 février seulement, le capitaine obtint d’être entendu en présence d’un très petit nombre de hauts fonctionnaires. Gelele, qui le voyait mécontent, se montra aussi courtois que possible. — Comment se pouvait-il que M. Burton lui gardât rancune après qu’ils avaient bu, qu’ils avaient dansé de compagnie ? — Bref, à la suite d’explications plus ou moins satisfaisantes, il fut donné lecture, phrase par phrase, des objections du gouvernement britannique d’abord contre la traite, puis contre les sacrifices humains. Quant à la permission de relever le fort anglais de Whydah et d’y mettre une garnison, le message la déclinait poliment, sous prétexte que la protection du roi suffirait à la sûreté des nationaux qui viendraient s’établir chez lui quand ils y seraient attirés par l’espoir d’un gain légitime. Le présent d’un carrosse attelé dépendrait des relations plus ou moins intimes qui s’établiraient ultérieurement entre les deux peuples. Enfin si le roi, comme il le donnait à espérer, remettait aux Anglais les prisonniers chrétiens faits dans l’Ishagga, on lui tiendrait compte de l’accomplissement de sa promesse.

Tant que dura la lecture du message, interrompue par les commentaires de M. Burton, Gelele resta bouche close, selon l’usage des Africains, qui redoutent essentiellement la discussion régulière et point par point. Le roi répondit ensuite à bâtons rompus « que les Anglais étaient ses amis, que la vente des esclaves était en Afrique un usage traditionnel établi par les blancs eux-mêmes, auxquels, il ne refuserait jamais de vendre ce dont ils auraient besoin, — à savoir de l’huile de palmier et de la laine d’arbre (du coton) aux Anglais, jadis grands partisans de la traite qu’ils proscrivent aujourd’hui, tout comme aux Portugais des esclaves. Un seul objet de commerce ne suffirait pas à défrayer des magnificences pareilles à celles dont l’envoyé de la reine avait été le témoin. Les coutumes de son pays l’obligeaient à faire la guerre tous les ans, et s’il ne vendait pas les captifs, il serait réduit à les tuer, ce que les blancs trouveraient sans doute encore plus répréhensible. Enfin il se plaignit ouvertement des croiseurs anglais qui se permettaient depuis quelque temps de venir attaquer les bâtimens négriers jusque dans les eaux du Dahomey, ce qui devenait tout à fait intolérable. »

Ces argument, suggéré par les négriers eux-mêmes aux caboceers de Whydah, et par ceux-ci à leur prince, n’embarrassa guère le diplomate anglais, qui expliqua au roi nègre les principes admis généralement sur le fameux « droit de recherche » et sur le rayon de trois milles auquel est borné, chez les peuples civilisés, la protection du rivage neutre. Appelé à s’expliquer ensuite sur les argumens que son royal interlocuteur avait fait valoir en faveur des sacrifices humains, M. Burton tâcha de lui démontrer que la destruction