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REVUE MUSICALE

LE THEATRE-ITALIEN. — LES CONCERTS.

Faut-il parler de la Duchessa di San-Giuliano ? Je le veux bien ; mais qu’en dire ? Il y a de ces œuvres avec lesquelles la discussion ne sait où se prendre. Volontiers on applaudirait, quoique d’une main banale, car après tout la conviction vous manque. D’autre part, trop blâmer, trop critiquer, serait injuste. Pourquoi en vouloir à cette musique ? Elle n’est point méchante, c’est au contraire une honnête et sage personne élevée dans les meilleurs principes. Donizetti et Verdi lui servirent de parrains, et si à ce baptême, les fées ont négligé d’accourir, ce n’est point là, une raison pour l’empêcher de faire son chemin. La carrière sera courte peut-être, mais non sans agrément Elle aura vécu, grandi dans l’estime d’un petit nombre, fait quelque bruit avant de disparaître. Les Allemands, ont un nom pour ces sortes d’ouvrages ; ils appellent cela de la musique de maître de chapelle. C’est honnête, rempli de bonnes intentions, de mérite et de courtoisie. L’auteur, en homme bien appris, y salue à tour de rôle toutes les formes et formules plus ou moins en honneur dans le répertoire. Révérence par ci, révérence par là, chaque morceau est un coup de chapeau tiré à quelqu’un ; puis, comme si le manège ne suffisait point, voilà que le maestro vient encore saluer le public, qui s’étonne à la fin de tant de politesses : bravo, Verdi ! bravo Donizettit bravi Graffigna, Aghesi, Frashnini, tutti quanti ! Je ne sais rien pour ma part de plus ridicule Que ce style poussé au noir de parti-pris. Quand le tragique ne vient pas de l’âme, ne ressort pas des entrailles mêmes de la situation, bien loin d’émouvoir la pitié, il produit l’effet d’une parodie. Jamais on n’entendit fureurs semblables. Que de bruit, que de travaux d’Hercule sans résultats ! car à ce mélodrame grotesque le public naturellement reste froid ; seul, le compositeur a l’air de croire que c’est arrivé, et