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indigène ne pouvant encore aborder la fabrication délicate des machines, le taïkoun s’adressa au commerce étranger pour l’acquisition de plusieurs bâtimens à vapeur. Enfin de nouvelles fortifications s’élevèrent en plusieurs points des côtes, et les anciennes furent remises en état. Les grands daïmios suivirent cet exemple : ils construisirent des forts, achetèrent ou fabriquèrent des armes et des navires, si bien qu’au commencement de 1863 il y avait, tant chez eux que dans les ports du taïkoun, de vingt-cinq à trente bâtimens de provenance étrangère appropriés autant que possible pour la lutte.

C’est à ce moment d’incertitude et de tension générale que survinrent les événemens à la suite desquels furent entamées contre le Japon, par les puissances contractantes des traités de 1858, les opérations militaires auxquelles nous avons pu prendre part et que nous allons raconter.


I

Depuis plus de six mois, le meurtre de M. Richardson et les autres violences commises contre les résidens étrangers étaient restés sans réparation, quand le 6 avril 1863, sur un ordre exprès venu d’Angleterre, un ultimatum fut adressé au gouvernement de Yédo par le colonel Neal, ministre de la Grande-Bretagne au Japon. Le 26 avril, le jour même de l’expiration du délai fixé par l’ultimatum, la frégate la Sémiramis, portant le pavillon du contre-amiral Jaurès, jetait l’ancre en rade de Yokohama. Elle arrivait des côtes de la Basse-Cochinchine, où l’avait appelée deux mois auparavant une insurrection, qui fut promptement réprimée par les forces franco-espagnoles. Depuis l’automne de 1862, un seul navire français, la corvette à vapeur le Dupleix, était, avec le transport la Dordogne, momentanément hors d’état de prendre la mer, demeuré dans les eaux de Yokohama. La baie maintenant était animée. Une corvette néerlandaise, la Méduse, commandée par M. de Casembroot, aide-de-camp du roi de Hollande, et l’escadre anglaise, arrivée un mois avant nous avec le contre-amiral Kuper[1], portaient à près d’une vingtaine le nombre des navires de guerre mouillés dans le golfe de Yédo. Ce déploiement de forces navales ne paraissait pas une vaine précaution. L’alarme était vive dans la colonie européenne de Yokohama : on disait qu’en cas de rupture de la paix l’amiral Kuper ne pourrait répondre de la sécurité de la ville, et qu’il se bornerait

  1. Peu de temps après, le contre-amiral Kuper reçut de l’amirauté anglaise une commission de vice-amiral par laquello son gouvernement, selon sa coutume en pareilles circonstances, lui assurait la suprématie de grade en cas d’opérations militaires combinées avec les forces navales des autres nations.