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les navires mouillaient dans la passe, les équipages européens qui allaient chercher des vivres à terre étaient d’ailleurs généralement bien reçus par les habitans. Au mois de juin 1863, la corvette française le Dupleix, qui naviguait dans ces parages, trouva partout, sauf en un seul point, le même accueil bienveillant. Un soir qu’elle mouillait devant Simonoseki, le commandant vit des embarcations montées par des officiers japonais se diriger vers son bord ; elles formèrent autour du navire comme un cordon sanitaire, éloignant avec brutalité les jonques de marchands qui se proposaient d’approvisionner la corvette, et paraissant vouloir s’opposer à toute espèce de débarquement. Le Dupleix appareilla le lendemain au petit jour, sans s’inquiéter de cette attitude des autorités de Simonoseki. On savait que la ville appartenait au prince de Nagato, le daïmio Matsedaïra-Daïdsen-no-Daïbou, déjà connu pour diriger conjointement avec le prince de Satzouma la croisade de la noblesse contre les étrangers ; mais quelques jours après un autre incident plus grave éveilla enfin l’attention.

Le 25 juin 1863, l’aviso à vapeur le Pembroke, de la marine marchande américaine, se rendant de Yokohama en Chine par la Mer-Intérieure, arrivait vers trois heures du soir vis-à-vis de l’entrée intérieure du détroit de Simonoseki. Il mouilla devant la petite ville de Tanaoura, sur la côte sud du détroit, et hissa ses couleurs. Deux heures plus tard, un navire de construction européenne avec pavillon japonais vint jeter l’ancre à deux encablures plus loin. À ce moment, un coup de canon fut tiré du haut des collines, à 4 milles au nord, et répété sur d’autres points de la côte. La nuit survint ; tout paraissait parfaitement tranquille. À une heure du matin, le navire japonais, qui s’était un peu rapproché en virant sur sa chaîne, ouvrit subitement le feu de son artillerie sur le Pembroke. L’obscurité, qui était très grande, dissimulait par bonheur la position de l’aviso. Le capitaine fit immédiatement lever l’ancre. Un instant après, un brick reconnu pour appartenir au prince de Nagato, le Lanrick, passa à 40 mètres du Pembroke, vint mouiller près du bâtiment japonais, et ouvrit le feu à son tour. À ce moment, le Pembroke, qui avait terminé son appareillage, rétrograda en toute hâte et prit la route du canal de Boungo, poursuivi par les derniers boulets des deux navires. Un projectile avait coupé une de ses manœuvres.

Cette nouvelle parvint à Yokohama dès le 10 juillet. La corvette américaine le Wyoming quitta le lendemain la rade pour aller châtier les auteurs de cet inqualifiable attentat. L’aviso français le Kienchan, parti, comme on l’a vu, dans les premiers jours de juillet, avait dû prendre la même voie que le Pembroke et se présenter dans le détroit peu de temps après. On pensait que les navires japonais