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Simonoseki et la côte nord d’où partait le feu ; l’autre, peu profonde, circulant au milieu des bas-fonds et fréquentée généralement par les jonques, contournait au sud la côte de Kiousiou : on y voyait bien des batteries, mais jusqu’alors elles étaient restées silencieuses. Le pilote japonais, effrayé par les projectiles, était incapable de rendre le moindre service ; toutefois le capitaine n’hésita pas à s’aventurer, après des sondages faits avec soin, dans la dernière des deux passes. Les deux navires japonais avaient déployé leurs voiles et gagnaient le Kienchan de vitesse. Par bonheur, ils n’osèrent s’engager sur les bas-fonds. Vingt minutes après ce second appareillage, le Kienchan, poursuivi par les derniers boulets de Nagato, se trouvait hors d’atteinte. Sa coque, au-dessus de la flottaison, était criblée par les projectiles ; mais personne à bord n’avait été atteint autrement que par de légers éclats de bois.

Le lendemain, le Kienchan rencontrait à l’entrée du port de Nagasaki la corvette la Méduse, qui se dirigeait vers le détroit de Simonoseki, et lui racontait l’agression brutale dont il avait failli être victime. Le commandant de la Méduse, M. de Casembroot, ne crut pas néanmoins devoir modifier sa route. Les Hollandais, ces vieux et paisibles alliés des Japonais, à qui ils avaient enseigné l’art moderne de la guerre, ne devaient-ils pas pouvoir passer impunément devant leurs canons ? Toutefois, lorsque la Méduse se présenta, le 11 juillet au matin, à l’entrée extérieure du détroit, on n’avait négligé à bord aucun des préparatifs nécessaires pour le combat. La ville de Simonoseki s’étalait dans le fond du détroit, au pied des collines. Lorsque la Méduse n’en fut plus qu’à une faible distance, et que les couleurs hollandaises eurent été déployées, quelques coups de canon, probablement des signaux, partirent d’une batterie et d’un brick à l’ancre. Chacun se tenait à son poste, et le navire continua sa marche en avant. Deux bâtimens mouillés devant la ville de Simonoseki portaient au grand mât le pavillon bleu et blanc du prince de Nagato. La Méduse en était à trois encablures (600 mètres) environ, quand ils firent, en même temps qu’une batterie de huit pièces, une décharge générale sur la corvette, Une pluie de fer, heureusement dirigée trop haut, passa par-dessus les bastingages. Les batteries de la côte de Kiousiou restant silencieuses, le commandant de la Méduse fit armer aussitôt ses huit pièces de bâbord et tirer sur l’ennemi ; les projectiles portèrent dans la batterie japonaise et sur l’un des navires, où ils parurent faire de grands ravages. L’étroitesse de la passe obligeait la Méduse à poursuivre sa route ; tout en filant à petite vitesse, elle soutint ce combat d’artillerie. Une nouvelle batterie sur la côte venait d’ouvrir son feu ; les boulets du calibre de 24 et les obus pleuvaient sur la corvette ; plusieurs de ces derniers éclatèrent à bord. Quelques hommes