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en dépôt, s’y distribuaient sur des navires légers, à marche rapide, qui forçaient les blocus, et en rasant les côtes échappaient aux croisières par leur faible tirant d’eau. Les canons, les boulets, les poudres arrivaient ainsi à leur destination, et tels étaient les bénéfices de ce trafic qu’ils couvraient amplement tous les risques de capture. Les retours s’opéraient en cargaisons de coton qui y ajoutaient de nouveaux profits. D’énormes fortunes ont été faites dans ce cabotage, et on comprend le goût qu’y apportaient les spéculateurs favorisés. Ce que l’on comprend moins, c’est la tolérance des autorités locales pour des actes qui engageaient la responsabilité de leur gouvernement. Çà et là et pour la forme, quelques interdictions étaient bien lancées et obligeaient les bâtimens chargés de contrebande de guerre à chercher dans le port mexicain de Matamoras une police plus accommodante ; mais la plupart du temps le gouverneur des Bermudes fermait les yeux pour ne pas priver sa petite colonie de la fortune inattendue que les événemens lui procuraient.

Cette insuffisance des blocus n’avait pas échappé à la vigilance du gouvernement fédéral. Il voyait ce que l’armée ennemie empruntait de ressources à la connivence des neutres. Les réclamations diplomatiques n’aboutissant pas, il a fallu employer dès lors des moyens plus directs. De là une suite d’expéditions navales qui avaient pour objet la réduction du littoral et ne sont pas les moins glorieux épisodes de cette guerre. Parmi ces expéditions, une seule a eu un succès immédiat et complet, la prise de la Nouvelle-Orléans. Celle de Beaufort n’avait abouti qu’à l’occupation des îles qui lui font face, celle de Charleston au démantèlement du fort Sumter, celle de Mobile à la destruction des ouvrages extérieurs et à la libre possession des rades. Tout récemment encore les forts qui défendent les approches de Wilmington ont été enlevés ou détruits sans que la ville se soit rendue. La marine, après avoir poussé les choses aussi loin que le permettaient ses moyens d’action et la nature des lieux, retombait dans l’impuissance, faute de troupes de terre chargées d’achever son œuvre en prenant les ports à revers. Ce complément d’investiture et d’action, la pointe audacieuse de Sherman l’a rendu désormais possible. Il tient à sa portée et sous le coup d’une menace cette suite de foyers de contrebande de guerre qui se succèdent sur la côte orientale depuis le cap Hatteras jusqu’à l’extrémité des Florides. Savanah n’est qu’une étape qui doit le conduire à Charleston et à Georgetown, tandis que les lieutenans de Grant achèveront à Wilmington la tâche commencée. Ces positions une fois prises, la Virginie et les Carolines seront gardées du côté de la mer ; l’Union en aura les clés, et le séquestre contre l’assistance et