Page:Revue des Deux Mondes - 1865 - tome 56.djvu/36

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

machiavélique politique, enfin n’apparaissant ouvertement sur la scène que lorsque la présence des Turcs les appelait à la remplir du bruit de quelque glorieux fait d’armes.

Koutoupharis gouverna le pays pendant sept ans. Il n’a laissé d’autre souvenir que celui- de quelques tentatives infructueuses pour s’emparer de la plaine d’Hélos, « sur laquelle, disait-il, les Maïnotes, en leur qualité de Spartiates, tenaient de leurs ancêtres d’incontestables droits. » Appelé à Constantinople sous le prétexte d’y exposer ses prétentions, il eut, sans doute sur de perfides conseils, l’imprudence de se rendre à cette invitation, et fut étranglé peu d’heures après son arrivée. À défaut d’héritier mâle et suivant la loi maïnote, sa veuve hérita, non de son titre de bey, mais de sa capitainerie. Elle s’est rendue célèbre par la façon terrible dont elle vengea la mort de son mari, les armes à la main. Afin de guerroyer plus librement à la tête de ses partisans, elle quitta les vêtemens de son sexe. Quelques vieillards se souviennent encore de l’avoir vue traverser le Magne à cheval, sous le brillant costume des nobles maïnotes d’alors, suivie de sa troupe, à laquelle des femmes intrépides comme elle s’étaient réunies. Un turban vert lui servait de coiffure ; ses cheveux tombaient en deux longues tresses, garnies de sequins, sur un dolman noir brodé d’or, doublé de fourrures, qui recouvrait une veste écarlate à manches ouvertes. Une ceinture formée d’un châle rouge portait son poignard et ses pistolets. Ses larges culottés noires étaient serrées au-dessus du genou ; des guêtres bleues, rehaussées de plaques d’or, complétaient ce riche et martial accoutrement. Elle portait en outre en bandoulière une carabine dont elle se servait avec une merveilleuse adresse. Pendant deux ans, elle fit, dit-on, plus de mal aux Turcs que les klephtes les plus fameux. Poussée par son insatiable ardeur de vengeance, elle osa même tourner ses armes contre ceux qu’elle soupçonnait d’avoir pris une part active à la mort tragique de son mari, et résolut de porter le ravage sur les domaines des seigneurs de Vitulo ; mais elle sortait à peine avec sa troupe du canton de Zarnate qu’une balle dirigée par une main invisible, sans doute amie des Mavromichalis, l’atteignit mortellement et mit fin à son aventureuse carrière.

Michaïl Troupianos, allié des Mourzinos, succéda à Koutoupharis. Traîtreusement attiré à Constantinople par la promesse d’un cafetan d’honneur, il fut étranglé comme son prédécesseur. Djanetakis Glygorakis, vulgairement connu en Grèce sous le nom de Djanim-Bey, parvint alors au commandement (1789)[1]. Ce fut

  1. Aux renseignemens pris sur les lieux s’ajoutent ici ceux que nous tirons d’un opuscule intitulé Quelques Faits historiques concernant le Magne, par Carabini et Vafa ; Athènes 1859.