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l’Allée-Blanche. À l’est, L’arête se raccorde avec un second sommet appelé le Mont-Blanc-de-Courmayeur, et moins élevé que la cime de 50 à 60 mètres. Au milieu de cette arête se trouve le rocher de la Tourette, situé à 80 mètres seulement-au-dessous du sommet principal, et incontestablement le rocher le plus élevé de l’Europe. À l’ouest, la cime se relie par une crête tranchante à la Bosse-du-Dromadaire.


III

Après avoir repris haleine, notre premier regard fut pour l’immense panorama qui nous entourait : je ne le décrirai pas après de Saussure. Que le lecteur prenne une carte d’Europe et place une pointe de compas sur le sommet du Mont-Blanc, l’autre sur la ville de Dijon, et trace une circonférence dont le Mont-Blanc soit le centre. Ce cercle, dont le diamètre est de 420 kilomètres comprendra toute la surface terrestre que l’œil peut embrasser du haut du Mont-Blanc ; mais tout n’est pas distinct, et au-delà de 100 kilomètres les objets, voilés par le hâle, sont confus et effacés. Jusqu’à 60 kilomètres, tout est net et reconnaissable. Les points rapprochés me frappèrent d’abord. Au-dessous de nous, Chamounix semblait plongé au fond d’un puits. Le jardin de la Mer-de-Glace, le Col-du-Géant, la superbe Aiguille-du-Midi, étaient sous nos pieds. Il semblait qu’on aurait pu jeter une pierre sur le col de la Seigne. Le Cramont, les glaciers de Ruitor se dressaient comme des rivaux du Mont-Blanc, et au-delà les pics décharnés se montraient les uns derrière les autres, comparables aux arbres d’une forêt, sans ordre, sans alignement : c’était le massif immense des Alpes piémontaises et françaises comprises entre Aoste et Briançon. Le théodolithe fut installé sur le sommet, et Bravais se mit à relever les angles que les montagnes les plus remarquables forment entre elles : c’est ce qui s’appelle un panorama géodésique[1]. On comprend de quelle importance il est pour la géographie mathématique de pouvoir mesurer l’angle que font entre eux deux sommets aperçus du haut d’un troisième. À l’aide de ces angles, on construit un réseau trigonométrique, base de toute bonne carte de géographie. Une cime culminante, comme celle du Mont-Blanc, permet d’estimer directement la distance angulaire de deux montagnes invisibles simultanément de tout autre point de la surface terrestre. Si le Mont-Rose n’avait pas été malheureusement caché par des nuages, Bravais

  1. Voyez A. Bravais, le Mont-blanc, ou description de la vue et des phénomènes qu’on peut apercevoir de son sommet, in-12