Page:Revue des Deux Mondes - 1865 - tome 56.djvu/465

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

attributs de leur juridiction ou de leurs privilèges. » Il est difficile de vaincre de telles résistances, et le pape même est forcé d’y avoir égard. Ce sont des difficultés « qui fourmillent à Rome plus que partout ailleurs. » Il ne pense même pas que jamais ce gouvernement puisse par ses propres efforts se délivrer de cette chaîne d’abus, et si jamais il arrive à une forme régulière et à une administration juste et rationnelle, ce sera grâce à quelque révolution qui aura brisé le système et en aura balayé les débris. Aussi recommande-t-il à ses successeurs d’en profiter à la première occasion. « Si la Providence, dit-il, nous accordait une seconde résurrection, il serait à désirer que le nouveau pouvoir, trouvant tout changé et détruit, en profitât mieux qu’à la première restauration. En maintenant les constitutions et les bases du saint-siège, il faudrait surmonter de force les obstacles et faire tout ce qu’exigeraient l’altération des anciennes institutions, les abus introduits, les expériences faites, la différence des temps, des caractères, des idées et des habitudes, » Excellentes paroles que lui-même, de nouveau ministre après 1814, ne pourra réaliser, parce qu’alors la réaction intérieure et la pression de l’Autriche l’entraîneront avec son gouvernement du côté des résistances aveugles et absolues !


IV

Après 1814 en effet, tout changeait de face, ou plutôt le véritable aspect du monde moderne, commençait à se montrer. Depuis longtemps les armées avaient presque seules rempli la scène du monde ; dans les dernières années surtout, des événemens énormes, roulant comme des déluges sur la face de l’Europe, avaient comme submergé et dérobé à la vue la société remaniée en 1789. Tout à coup, au premier apaisement, on voyait cette société reparaître, telle qu’une main puissante l’avait organisée dans l’ordre civil, et demandant à se développer de même dans l’ordre politique ; elle reparaissait avec des idées, des principes, des intérêts, autrefois inconnus ou méconnus, mais qui avaient déjà pris corps et s’étaient mis en possession de leur droit. Elle avait choisi pour base, elle avait mis, au fond de toutes, ses pensées, de toutes ses volontés, la liberté de l’esprit, le droit de libre discussion sur toutes choses, religion, philosophie, législation, gouvernement. C’était encore toute la révolution. Les souverains qui l’avaient vaincue, et qui s’étaient assemblés à Vienne pour l’enchaîner, se sentaient eux-mêmes pris par elle, et sous l’étreinte des faits accomplis ils parlaient de transactions. Consalvi, envoyé au congrès comme plénipotentiaire du saint-siège, devait voir les choses de son point de vue romain ; aussi s’arrêta-t-il troublé devant