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divisions fatales, où l’on dénonçait avec colère le gouvernement de M. Davis, où l’on désespérait hautement du salut de la confédération, où l’on était prêt à devenir factieux, tandis que les généreux Virginiens de Richmond, qui avaient été les derniers à rompre l’union, demeuraient prête, avec une persévérance intrépide et une noble abnégations, à suivre jusqu’au bout la malheureuse fortune de leurs chefs imprudens.

Quelque funeste qu’ait été l’erreur des états du sud, nous avons le ferme espoir que l’Union ouvrira ses bras aux populations du sud avec un magnifique esprit de conciliation. Nous avons foi dans les généreuses impulsions des peuples inspirés par une bonne cause triomphante. D’ailleurs le nord a le bonheur d’avoir à sa tête de nobles âmes. Il est devenu intéressant de savoir aujourd’hui par exemple quelque chose de l’esprit et du caractère d’un homme tel que ce général Sherman, dont le talent et l’active énergie auront tant contribué à la pacification des États-Unis. On est heureux d’avoir jour sur une telle nature. Sherman, parle peu et ses écrits porteront l’empreinte d’un esprit exact et précis, qui ne donne rien à la faconde. On vient de publier de lui un curieux fragment. C’est une lettre adressée à une dame du Maryland ; Sherman l’écrivait au mois de juin de l’année dernière, avant d’avoir commencé ses grandes opérations de Géorgie. « Comme nation, y disait-il, nous avons été, nous, gens du nord, obligés d’accepter la bataille. Une fois la lutte commencée, la guerre a pris de telles proportions que nous-mêmes, quoique emportés par le tourbillon, nous reculons parfois épouvantés. Je ne voudrais pas subjuguer le sud dans le sens offensant que l’on donne à ce mot, mais je veux faire obéir chaque citoyen du pays à la loi commune, à la loi à laquelle nous sommes soumis : je ne veux pas que personne soit au-dessous ou au-dessus de nous ; je veux des égaux, pas de supérieurs… Mon cœur saigne quand je vois le carnage du champ de bataille, la désolation des foyers, l’angoisse amère des familles ; mais dès l’instant où les hommes du sud nous diront qu’au lieu de faire appel à la guerre, ils s’adresseront à la raison, au congrès, aux cours de justice, à la religion, à l’expérience de l’histoire, mon mot sera : Paix ! Revenez, et reprenez, avec tous vos droit et vos privilèges, votre fière place parmi les citoyens américains. » De tels sentimens, qui ont conduit Sherman à la victoire, ne seront point démentis dans la paix. Nous ne savons si jamais grand homme a jamais tenu un si beau langage ; mais nous savons que c’est une grande joie sur la terre quand il arrive que l’homme qui par son talent et son dévouement relève la destinée de sa patrie est en même temps un brave homme. e. forcade.