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de le croire. Elle sut maintenir encore un reste de décence dans cette société corrompue. À côté du boudoir de la favorite subsistait le foyer de la reine. Il y avait, à cette époque, comme à toutes les autres, des types d’honneur, des existences patriarcales et véritablement chrétiennes, des intérieurs qui étaient des sanctuaires. Les honnêtes gens, et ils étaient encore nombreux, avait tous pour Marie Leczinska une vénération profonde, et la vertueuse princesse sauvegardait le prestige de la royauté. Lors de sa dernière maladie, le peuple assiégeait les portes du palais pour avoir des nouvelles. Les églises étaient pleines d’une foule en prière. « Voyez combien elle est aimée ! » s’écriait Louis XV attendri. Cette mort fut un malheur public : elle détruisit ce qui restait d’honorable à la cour. Le vieux roi, désormais libre de tout remords, allait chercher pour réveiller ses sens blasés une courtisane de bas étage, et le règne insolent de cette femme, sortie d’un tripot, devait ébranler dans sa base le trône de Henri IV et de Louis XIV.

I. DE SAINT-AMAND.



L’INDUSTRIE FRANCAISE ET LES GRANDES USINES


Qui de nous ne connaît ces vastes bâtimens qui s’élèvent aujourd’hui dans nos campagnes, souvent à la place même des anciens châteaux, et qu’on pourrait appeler à bon droit les forteresses de la paix ? Il s’en échappe un bruit incessant de marteaux retombant lourdement, d’engrenages mordant l’un sur l’autre, de laminoirs aux vibrations métalliques, de métiers aux sons cadencés et de plus doux. Au-dedans et autour de l’édifice s’agite une population d’ouvriers à la face noircie, aux bras musculeux. Au centre ou sur l’un des côtés se dégage la cheminée principale, immense colonne de briques, droite, verticale, qui domine parfois une multitude de colonnes plus modestes, et d’où jaillit un panache de fumée et de vapeur dont les ondulations se perdent dans l’air. Si la vue de cet édifice, où travaillent tant d’appareils, de fours et de métiers bruyans, vous inspire quelque curiosité, pénétrez hardiment dans l’intérieur, car l’accès n’en est que rarement interdit aux profanes. Jadis le manufacturier, l’industriel semblaient cacher avec un soin jaloux le secret de leurs opérations ; aujourd’hui la plupart d’entre eux mettent plutôt une sorte de gloire à faire connaître au public les procédés qu’ils emploient et même jusqu’à leurs tours de main. L’industrie poursuit désormais son œuvre à découvert, et n’a plus lieu de s’entourer de mystère comme dans les siècles passés. Les études scientifiques se répandent chaque jour davantage ; de nombreux initiateurs nous décrivent le travail industriel, et nous pouvons franchir sans crainte les portes de cette usine, au seuil de laquelle nous nous arrêtions autrefois