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baisement des mains, cérémonie touchante qui se pratique la veille de l’élection, quand elle est faite sans opposition, eut lieu le 13 mars. Le lendemain 14, Chiaramonti fut, à l’unanimité des votes, proclamé pape sous le nom de Pie VII. Le conclave n’avait pas duré moins de trois mois et demi.

Maintenant que Consalvi en a fini avec les incidens qui se sont passés sous ses yeux dans l’intérieur du sacré-collège, on pourrait croire que l’intérêt de son récit va languir. Il n’en est rien. Les révélations du ministre d’état valent celles du prélat secrétaire du conclave, et les scènes qui suivent l’élection de Pie VII ne sont pas moins nouvelles et moins curieuses que celles qui l’ont précédée. Ainsi qu’il était facile de le prévoir, tandis que la joie éclatait dans le conclave et à Venise, la déception à Vienne était amère. Ce qui fut tout à fait inattendu, c’est la façon dont la cour impériale crut devoir témoigner son mécontentement. Il est d’usage que le pape soit couronné huit jours après son élection. A Rome, cette magnifique cérémonie a lieu en grande pompe dans l’église de Saint-Pierre. Chacun à Venise pensait qu’elle s’accomplirait dans la basilique de Saint-Marc. Les agens impériaux eux-mêmes s’y attendaient ; mais les ordres n’arrivèrent point, ou du moins on prétendit n’en avoir jamais reçu, non plus que l’autorisation de dépenser le moindre argent pour cette solennité. Pie VII, afin de ne faillir à aucune des traditions de la papauté, voulut être couronné dans la petite église Saint-George, contiguë au monastère où s’était tenu le conclave. Les frais de la cérémonie furent couverts par les dons volontaires des fidèles, sans qu’il en coûtât une obole à la cour impériale. Le soir, tous les palais, les plus simples maisons, toutes les places et tous les canaux de Venise étaient illuminés a giorno. Seuls, les édifices du gouvernement autrichien restèrent dans l’obscurité. Pourquoi ces signes de mauvaise humeur ? C’est que le couronnement du pape était le signe extérieur et comme la consécration officielle de sa souveraineté temporelle. Or la chancellerie impériale ne voulait pas restituer au saint-siège les provinces qu’elle occupait depuis la retraite des troupes françaises. Dans l’espoir de nouvelles victoires, elle se flattait même (ce sont les expressions du cardinal Consalvi) que l’aigle germanique étendrait bientôt son vol au-delà du Capitole. Quoi d’étonnant si le cabinet de sa majesté impériale nourrissait de semblables desseins ? C’étaient précisément ceux que mettaient alors à exécution les princes d’une autre famille souveraine qui partagent aujourd’hui avec la maison d’Autriche l’honneur d’être considérés par certains publicistes comme les défenseurs attitrés du pouvoir temporel. Au moment où l’Autriche s’en tenait encore à de simples projets, les commandans des troupes du roi des Deux-Siciles arboraient au