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encore reproduite par Bewer[1] et par Schrader[2], de Düsseldorf, dont on vante trop le coloris. Dietz, de Munich, imitateur d’Horace Vernet, passe pour le meilleur peintre de batailles que l’Allemagne possède actuellement ; mais il ne sait pas grouper ses personnages, et son coloris pèche par des tons criards et tranchans. Les traditions et les légendes populaires ont été illustrées par Schwind, qui est, à vrai dire, plus remarquable comme graveur que comme peintre ; il a transporté dans ses tableaux les qualités et les défauts de son art de prédilection : si ses lignes sont d’une pureté et d’une correction extraordinaires, jamais peut-être on n’a vu de coloris plus pâle ; on sent que l’artiste a l’habitude d’imaginer des conceptions sans couleur. Cependant cette imperfection devient moins sensible dans ses peintures murales, dont les plus célèbres sont celles de la Wartbourg et de l’académie de Carlsruhe. Un peintre de Berlin, Menzel, s’est occupé surtout de Frédéric le Grand ; ses tableaux indiquent un pinceau soigneux jusque dans les moindres détails. On fait grand cas en Allemagne d’une toile d’un artiste de Düsseldorf, Lentze, qui a vécu quelque temps en Amérique et qui a représenté le Passage de la Delamare par Washington. Enfin un peintre de Bayreuth qui est actuellement fixé en Italie, Riedel, a enrichi la Nouvelle-Pinacothèque d’une admirable Judith. L’expression de la physionomie est d’une étonnante vérité : la fatigue d’une nuit de débauche, le dégoût et en même temps la préoccupation d’un grand dessein, tout cela se peint dans ses yeux et sur ses lèvres, très sensuelles d’ailleurs, éclairées en dessous par les premiers rayons du soleil levant. À tous ces noms on peut encore ajouter celui d’un jeune peintre de Cologne, A. Schmitz, qui s’est fait connaître dans ces derniers temps par plusieurs toiles véritablement remarquables. Il est, à vrai dire, impossible de donner aujourd’hui une histoire complète de cette école, car elle se trouve au milieu même de son développement : elle comprend une multitude d’artistes qui en sont à leurs premiers essais, et que la critique ne saurait encore juger définitivement.

Il ne faut pas croire que les peintres que nous venons de citer bannissent de leurs œuvres tout élément idéal. La plupart se tiennent plutôt sur la frontière du réalisme et de l’idéalisme, mêlant dans des proportions variables les élémens de ces deux systèmes. À côté d’eux se place une catégorie spéciale d’artistes qui ont donné à leurs compositions de genre un tour spirituel ou humoristique,

  1. Les Derniers momens de Charles Ier, — Milton, etc.
  2. La Prise de Calais, etc.