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Pierre Vischer, le sculpteur de Nuremberg. La découverte de l’imprimerie, que Kaulbach, nous ne savons pourquoi, a mieux aimé rappeler dans le groupe des beaux-arts que dans celui des sciences, y est doublement représentée, par Gutenberg, l’inventeur suivant les Allemands, et par Laurent Koster, l’inventeur suivant les Hollandais. De l’autre côté du tableau se développe un second groupe qui forme contraste avec celui que nous venons de décrire. Au lieu de débris de l’antiquité, le premier plan est couvert d’instrumens scientifiques : nous y voyons la boussole, la mappemonde, des compas, et en outre des armes, des costumes, des plantes et même des oiseaux du Nouveau-Monde. Au milieu se dresse magistralement la grande figure de Christophe Colomb, dont les mains sont chargées de chaînes ; autour de lui se pressent des voyageurs et des savans, Bacon, Harvey, Paracelse, Vésale. Dans le fond du tableau s’élève un observatoire d’astronomie : Copernic y dessine son système sur la muraille, Galilée s’appuie sur un télescope, Cardan est plongé dans une méditation profonde, Kepler discute avec Tycho-Brahé, tandis que le philosophe italien Giordano Bruno monte l’escalier qui mène jusqu’à eux. Au centre du tableau, entre le mouvement des arts et le mouvement des sciences, se trouve concentrée toute la vie religieuse du XVe et du XVIe siècle : devant un autel où, dans le fond, est peinte la Cène de Léonard de Vinci sont groupés les chefs de la réforme ; Luther tient la Bible ouverte à la page où sont écrits ces mots : « Tu aimeras ton prochain comme toi-même. » Près des réformateurs se trouvent les princes et les hommes d’état qui ont encouragé ou protégé leurs efforts : au premier rang s’avancent Gustave-Adolphe et Elisabeth. Au fond du chœur, le peintre a rassemblé les penseurs du moyen âge qui, par leurs écrits, ont été les précurseurs de la réforme, Wiclef, Jean Huss, Abailard, Arnauld de Brescia, Savonarole, Tauler. Devant Luther, un catholique, le chancelier Ulrich Jasius, et un protestant, le chevalier Eberhard de Tann, se serrent la main sur le traité de paix d’Augsbourg de 1555. Mélanchthon se tient près d’eux et leur montre la Bible de Luther.

Ce tableau semble fait pour prouver combien peut avoir de prestige l’art de disposer les personnages et les élémens d’une composition ; mais, après avoir suffisamment contemplé ce magnifique ensemble et parcouru cette variété de figures, de costumes et de poses, si l’on se demande ce que cette toile signifie, on se trouve singulièrement embarrassé. Ce n’est pas que nous blâmions l’artiste d’avoir rassemblé dans un seul lieu des hommes de différens siècles et de différens pays, qui n’ont jamais pu se rencontrer ; nous ne lui demanderons même pas pourquoi, ayant remonté jusqu’à Abailard et à Arnauld de Brescia, il n’a pas introduit, pour